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Un hiver en Tunisie

Le moment de remettre les voiles approche... Cela fait des semaines que je repousse celui de mettre le site à jour. J’ai choisi de laisser le temps décanter toutes les impressions, les sensations, les moments forts de ces cinq mois en Tunisie. Mais maintenant, par où commencer ?

Parlons tout d’abord de Monastir qui restera dans notre coeur. C’est la ville du président Bourguiba qui y est enterré, avec sa famille, dans un magnifique mausolée tout de marbre, de dorures et de carrelages colorés. Nous passons devant tous les jours mais c'est tout récemment que nous l'avons enfin visité.

La large promenade du bord de mer est dominée par le Ribat, un monument construit au Moyen Age pour les moines-soldats qui défendaient les côtes des attaques byzantines. Il a été agrandi en plusieurs étapes par la suite. Depuis la tour de vigie, la vue sur la mer, la marina, le mausolée et le cimetière est superbe. C'est aussi un excellent amer quand on arrive à Monastir par le large... il est juste à l'entrée du port.


La ville de Monastir est toujours très animée. On y trouve des artisans, beaucoup de petits commerces, deux supermarchés et un magnifique marché couvert aux poissons, fruits et légumes. C’est le but de notre promenade du matin (quand je vais à la gym, Pierre s’y rend tout seul). Suivant la pêche et la saison, on y trouve des loups, dorades (même des coryphènes en automne), rougets, maquereaux, sardines, poissons de roche, raies, roussettes, espadons, thons, baudroies, congres, murènes, calmars, seiches, poulpes, crevettes et j’en passe, à des prix bien incroyables (1-2 DNT le kg de sardines, 6-8 DNT celui de thon, le dinar équivalent le Fr suisse). Les légumes sont de saison, fraîchement ramassés et ont un goût que l'on a souvent oublié chez nous. Actuellement, les artichauts envahissent les stands, ainsi que les fraises, délicieuses. Je vais faire des confitures avant de partir.

On y trouve aussi des épices, de la volaille, d’excellentes merguez et du boeuf ou de l’agneau, qu’il faut laisser rassir quelques jours. Les “boucheries” sont un peu différentes des nôtres (ici le marché de Bizerte) ! Les oeufs sont entassés dans un coin bien exposé aux passants. On se demande comment il n’y a pas encore eu d’omelette gigantesque !


Le vendredi et le samedi se tient le grand marché, le souk, un peu à l’extérieur de la ville. Les fruits et légumes arrivent en masse, directement du producteur. On y vend de tout... des portes, des tissus, des matelas, de la vaisselle... des poussins... de la paille... et aussi des habits de deuxième main achetés par ballots en Italie et revendus 1 ou 2 DNT, en vrac, sur de grandes tables. On fouille pour trouver son bonheur et refaire sa garde-robe. Il y a des occasions en or ! Voilà comment on “fait les boutiques” ici avec les copines !


Monastir est une ville très jeune : 17’000 étudiants sur 70’000 habitants fréquentent les Facultés de Sciences, de Médecine, de Médecine dentaire, de Pharmacie, les instituts de Biotechnologies, d’Informatique et Mathématiques, des Métiers de la Mode et les Ecoles d’Ingénieurs et des Sciences et Techniques de la Santé. La marina comme le bord de mer sont leur promenade favorite et on ne se sent pas en zone touristique comme dans certains autres ports tunisiens.

Comment raconter l’ambiance de la marina ? Là, je suis assise au soleil dans le cockpit. J’entends les cris de quelques mouettes, le pépillement des moineaux. Je vois la multitude de petits pavillons de courtoisie tunisiens s’agiter dans les haubans, ma voisine “canado-japonaise” qui étend sa lessive, ses fils qui partent en vélo. Bientôt le muezzin appellera à la prière. Pas de bruit de voiture, juste de temps à autre la musique tonitruante des faux bateaux de corsaires qui emmènent les touristes en balade, un avion qui passe juste au-dessus en phase d’atterrissage ou une barque de pêche qui s’éloigne. Et puis les bruits sympathiques des voisins qui bricolent, percent, scient, poncent... comme nous ! Sur notre ponton, huit bateaux sont occupés tout l’hiver, en majorité par des français. On discute beaucoup en mélangeant nos accents provençaux, bordelais, bretons, suisses, canadiens, japonais, anglais. On échange des tuyaux (au propre comme au figuré !), des coups de mains et on se retrouve au barbecue du dimanche pour manger tous ensemble.
L’eau du port est relativement propre. On y voit des loups, des dorades qui font le bonheur des pêcheurs locaux, des martin-pêcheurs et des cormorans.

De Monastir, nous prenons parfois le train pour Sousse, où on peut trouver plus de matériel technique et un supermarché plus “européen”. C’est aussi une ville universitaire et le train est bondé de jeunes étudiants.


Côté rencontres locales, nous apprécions beaucoup les contacts avec les artisans qui nous aident dans nos travaux :

On admire chaque jour leur débrouillardise. Ils sont très capables mais manquent souvent de bons matériaux et sont vite satisfaits. Les critères de qualité ne sont pas les mêmes qu’en Europe! Mais ils récupèrent tout et réparent au lieu de jeter. C’est vrai qu’on voit des détritus, des bouteilles et des sachets plastiques un peu partout. Là aussi, les critères de propreté ne sont pas les mêmes. Mais d’une manière générale, ils polluent moins que nous car, par la force des choses, ils consomment beaucoup moins. Les produits sont vendus en vrac, ils prennent les taxis collectifs, le train, ou vont à pied.


Nous avons tout de même parcouru ce grand pays en voiture de location. Avec les visites faites les années précédentes et les ports abordés en bateau, nous avons une bonne vue d’ensemble. Nous sommes vraiment surpris par ses richesses et sa diversité tant dans les paysages, que dans les cultures, l'artisanat ou l'histoire.

Le sud est surtout connu pour les dunes du Sahara. Mais à la limite de ce désert, on trouve aussi de grands lacs salés qu’il est impressionnant de traverser en voiture. Des barres rocheuses rouges séparent de grandes plaines semi-arides où les chameaux paissent en troupeaux. Le train qui nous dépasse donne un air de Far-West.

Les palmeraies se développent grâce à des puits, situés sur des collines, qui envoient l’eau au pied de chaque palmier. Les dattes sont récoltées en hiver, exportées et distribuées dans tous les marchés tunisiens.

Les bâtiments de Tozeur sont construits en petites briques couleur sable. C’est la ville des tapis... on n’a pas résisté à la tentation... pour cacher les planchers ratés ! L’artisanat est très répandu en Tunisie, poteries, tapis, tissages, bijoux, vêtements, pas de risque de trouver du “made in China” ici, pour le moment. Par contre toutes les grandes marques sont copiées, que ce soit les habits, les chaussures, les lunettes, la maroquinerie et j’en passe...

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Plus au sud encore, près de Tatouine, nous avions visité en 2003 les ksours, des anciens greniers à grains utilisés par les Berbères. Bien restaurés, ils sont très photogéniques et certains ont même été utilisés comme décor de cinéma (La Guerre des Etoiles).

Pour arriver dans le sud, nous avons traversé de nombreux champs d’oliviers et dépassé un nombre incalculable de pick-up chargés d’olives qu’ils amènent à l’huilerie. Il y en a une dans chaque gros bourg de la région. La Tunisie est le 4ème producteur mondial d’huile d’olive. Le Sahel, la région de Monastir et Sousse, est aussi une grande productrice d’olives et l’odeur de l’huilerie nous avertit mieux que toute girouette de l’arrivée du vent du sud sur la ville ! Près de Kairouan, les piments sèchent sur les maisons. Ils sont à la base de la harissa qui accompagne le couscous.

En remontant, nous avons passé par la côte... deux jours loin de la mer, c’est insupportable ! Dans la région de Sfax, les eaux sont très peu profondes et c’est en felouques que les pêcheurs travaillent. Ils pêchent beaucoup de poulpes grâce à des pots en terre qu’ils laissent dans l’eau. Le poulpe va s’y cacher et il ne reste plus qu’à le cueillir... facile ! Mais ailleurs, ils pêchent en tirant de longues lignes pleines de hameçons ou avec de grands filets dans lesquels il ne faut pas se prendre en navigant !

Dernièrement, nous avons repris la route pour aller en direction du nord. En chemin, nous avons visité la région du Kef, une ville située en hauteur et dominée par une forteresse d’où le panorama sur les collines couvertes de champs de blé et d’orge est superbe. A l’époque, ces régions du centre étaient le grenier à grain de Rome. Un petit musée des traditions nous explique les rites berbères, surtout ceux du mariage, très importants, qui duraient sept jours. Il paraît que le premier jour, l’homme marchait à pied à côté du cheval sur lequel se tenait sa femme... mais ensuite, les six jours suivants... c’est la femme qui marchait à côté du cheval ! Les berbères se déplaçaient avec leur grandes tentes pour les récoltes de dattes, olives, oranges et blé dans les différentes régions du pays.

Sur les routes de l’intérieur, on ne croise pratiquement pas de voitures privées. Ce sont des taxis collectifs, des pick-up pour transporter légumes, dattes, olives ou moutons et quelques camions. Par contre l’âne (ou le cheval) est encore un moyen de transport bien pratique et sûrement plus économique que la voiture, avec le litre d’essence à 1,2 dinars ! Les villages se ressemblent tous : maisons basses, blanches et bleues, abritant des familles mais surtout de nombreux petits commerces où le déblocage des cartes SIM côtoient allégrement la vente de bottes de paille. Et c'est en peignant sur les murs que l'on fait sa pub.

Jusqu’à Tabarka, tout au nord, près de la frontière algérienne, nous avons traversé de nombreuses forêts : pins d’Alep tout d’abord (qui fournissent les bons pignons), chênes-liège, chênes, pins et eucalyptus. Il avait neigé dans ces montagnes la semaine avant notre passage ! Le climat du nord de la Tunisie est beaucoup plus rude que celui de Monastir. Tabarka est un centre de plongée reconnu pour la pêche au corail rouge. Toujours au nord, Bizerte est le premier port où nous avions fait nos papiers d’entrée, il y a dix ans. A cette époque déjà, nous avions été conquis par le vieux port de pêche proche de la médina et ses couleurs pastel. Côté couleurs, c’est bien le bleu et le blanc qui resteront le souvenir de la Tunisie . On les retrouve dans les bâtiments mais aussi bien sûr dans le bleu du ciel et celui de la mer...

Dans toute la Tunisie, les vestiges sont puniques, romains, byzantins ou arabes, comme le port fatimique de Mahdia. A Carthage, les maisons modernes de la haute haute société tunisienne, dont le palais de Ben Ali, flirtent avec les ruines de toutes sortes.

Ce qui nous a peut-être le plus impressionné dans ce pays, c'est le nombre de jeunes que l'on rencontre. Partout, même dans les endroits les plus reculés, des groupes se rendent à l’école ou en reviennent. Les filles sont plus souvent voilées dans le sud que dans le nord mais cela ne les empêche pas d'être habillée mode, en jeans habituellement (lire un article sur le retour du voile en Tunisie). Nous avons vu une grande cité universitaire près de Tozeur, dans une zone presque désertique. Souvent, ils attendent le bus au centre du bourg pour rentrer dans leurs hameaux et on se demandent ce que vont devenir tous ces étudiants dans ce pays où le chômage est important (14 %). Scolarisés à 99% à l’âge de 6 ans, ils sont encore 35 % à aller à l’université entre 19 et 24 ans. Ils bénéficient donc d’une bonne formation, mais de peu de débouchés. Un chauffeur de taxi/avocat nous a amenés à Tunis où il allait déposer sa candidature pour la magistrature. Ils étaient 3’000 pour un poste ! Les artisans déplorent que les filières manuelles soient mal soutenues et intéressent peu les jeunes. De grands projets soutenus par les Emirats Arabes devraient voir le jour et créer de l’emploi. Ce serait positif et freinerait peut-être l’exode vers l’Europe. Pourvu que les tunisiens n’y perdent pas leur identité.

Une autre solution serait que les cigognes se mettent un peu au chômage !? Celles de Sedjenane, entre Tabarka et Bizerte, n'ont pas l'air d'être d'accord !

Nous avons beaucoup apprécié cette pause de cinq mois, nous avons eu le temps de prendre le rythme du pays, nous avons profité de ce climat méditerranéen très agréable, nous n'avons jamais été malades (même pas une petite tourista) alors que nous ne nous sommes pas privés de manger local. Et surtout, notre Anegada repart en pleine forme, remis à neuf et prêt pour de nouvelles aventures. En résumé, nous quitterons le Tunisie avec beaucoup de beaux souvenirs dans la tête. Pour les images, nous avons pu vous les faire partager... pour les odeurs, c'est plus difficile, mais pour les sons, cliquez ici...

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