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De St-Martin à Bonaire
mars 2014

Cette fois nous y sommes ! Nous allons quitter les Petites Antilles pour refaire un tour de la Mer des Caraïbes. Quand Pierre me l'a proposé fin décembre, je n'ai pas mis longtemps à me décider. La découverte de nouvelles îles me fait toujours rêver et revoir l'Amérique Centrale m'enchante.

Pour quitter convenablement St-Martin, rien ne vaut une bonne soirée de musique à Grand-Case. Et comme Gaston aime la fête, l'adieu est de taille ! Reggae, danse, multiples ti-punchs... On ne se souvient plus bien de l'heure du retour mais très bien du réveil à 6h du matin pour un départ sur Nevis, au près ! Vu le temps pluvieux de ces derniers jours, Pierre s'est acheté un ciré... c'était une bonne idée car après ce grain matinal, nous ne verrons plus une goutte pendant trois semaines au moins (il n'a toujours pas plu quand j'écris ces lignes !). C'est comme l'histoire du parapluie ! Quelques embruns pour remettre les idées en place... et c'est parti pour une journée bien secouée ! Nous prenons une bouée en fin d'après-midi le long de la belle plage de Nevis et ne demandons pas notre reste.

Lundi 24 février, bien reposés, nous pouvons hisser toute la grand'voile et dérouler le génois car les conditions sont idéales pour 400 milles de grand largue. Pas un grain à l'horizon, une mer agréable, Gaston comme DJ... il ne manque que le poisson à notre bonheur. Ce sera un mini thon qui nous fait juste un bon tartare à midi.

A trois pour les quarts de nuit, c'est un grand confort dont on n'a plus l'habitude. La première nuit, le ciel est un enchantement. Comme il n'y a pas de lune, on voit parfaitement la Voie Lactée et ses innombrables étoiles. Pendant mon second quart, de 2h à 4h, je retrouve des constellations que je n'ai pas vues depuis longtemps comme le superbe Scorpion. D'habitude je dors à cette heure-là ! Le ciel est entièrement dégagé et la Croix du Sud m'indique le sud (comme c'est bizarre !), la Polaire le nord, un croissant de lune se lève à l'est (non Gaston, ce n'est pas un cargo !) et Jupiter vient de se coucher à l'ouest... Une boussole céleste rien que pour moi ! Seules quelques zones nuageuses noircissent une partie des étoiles, comme pour me dire : "Devine qui se cache là derrière " (déformation professionnelle !)

Bien entendu, il faut une petite panne pour agrémenter le voyage. C'est le hâle-bas rigide qui se dévoue et se désolidarise de la bôme. Pas trop grave... après un vain essai de réparation, il est vite remplacé par un bout.

Mercredi à 14h, nous mouillons tout à l'ouest des mythiques Roques. Les Aubert nous en avaient tellement parlé ! On y est ! Malheureusement illégalement... donc pas pour longtemps. Notre première idée était d'y aller en janvier et d'y faire notre entrée au Venezuela puisqu'il y a maintenant un bureau d'immigration à Gran Roque. Mais en se renseignant, on a appris que cela nous coûterait environ 500 US pour les quinze jours autorisés ! On a renoncé, sans savoir que si nous arrivions à payer avec des bolivars changés au noir, cela ne nous ferait que la valeur de 50 US ! Encore faut-il savoir comment changer cet argent sans se rendre sur le continent ou à Margarita, endroits qui sont trop dangereux actuellement ! Donc nous n'avons pas trop de regrets mais espérons secrètement pouvoir y retourner cet automne depuis les ABC.

Nous restons donc deux nuits à Cayo des Agua, sans voir l'ombre d'un képi heureusement. Le lagon turquoise (encore !) est bordé de belles plages de sable ultra fin et ultra blanc qui invitent à la promenade. Les seuls habitants de l'île que nous voyons sont les Bernard-l'hermite et les fous qui viennent même inspecter le bateau. On préfère ça que les coast-guards !


Sous l'eau, les pâtés de corail offrent des dédales de passages avec trois mètres de fond, de beaux poissons, surtout des gros perroquets bien colorés et le premier requin dormeur de Gaston... pas très rassuré (le Gaston, le requin il dormait et n'a rien vu) ! On admire aussi les langoustes... mais pas de fusil aux Roques car c'est une réserve (ça se remarque d'ailleurs). On prélève juste un des innombrables et énormes lambis sous le bateau pour un petit ceviche.

Un autre voilier, Parenthèse, arrive de Martinique en même temps que nous. Nous sympathisons avec Hélène et William qui ont construit ce bateau eux-mêmes et sont en route pour la Polynésie. Gaston se met à rêver de bateau et de voyage... le virus est contagieux.

L'alizé est encore soutenu pour les 35 milles qui nous séparent des Aves et c'est avec les voiles en ciseaux que nous les parcourons. Et là... ça mort à mort ! Un premier gros thon de 7 kilos environ... Je vais pouvoir faire des conserves à l'huile à ramener à la famille. Ils adorent ça ! Puis, en arrivant, un wahoo de 1m10 se fait leurrer par notre rapala Marlboro. On en mangera pendant une semaine.

En entrant par le sud dans les Aves de Barlovento, nous sommes surpris par la hauteur de la mangrove qui borde le lagon. C'est une vraie forêt qui abrite une quantité impressionnante d'oiseaux (d'où le nom Aves = oiseaux en espagnol). Ce sont des fous à pieds rouges (merci Jean-Luc pour le guide Oiseaux de mers offert aux Açores et toujours utile !), une des deux seules espèces de fous à nicher sur des arbres. Les autres, comme ceux aperçus aux Roques, nichent à terre. On peut les approcher de très près. Ils ne sont pas farouches et les petits, qui ressemblent à des peluches toutes blanches, nous regardent d'un air étonné. Les premiers jours de leur vie sont les plus dangereux car ils naissent nus et sont une friandise recherchée par les frégates. Est-ce pour les protéger que le soir, à l'heure de la chasse, toute la colonie se met à voler au de-dessus des nids ? Je l'imagine.

Nous observons aussi ces pauvres fous adultes pourchassés par les frégates sitôt qu'ils ont un poisson dans le bec. Elles piquent sur eux et les attaquent jusqu'à les faire lâcher leur proie qu'elles attrapent alors au vol. Au contraire des fous et des sternes, les frégates ne peuvent pas plonger et se servent donc chez les autres !

Nous sommes mouillés juste derrière un récif affleurant et les couleurs en milieu de journée sont incroyables. Grâce à l'annexe, nous visitons les récifs environnants et ceux plus proches de la barrière au vent. Ils sont étonnants car le haut du récif est un plateau de sable blanc avec des petits coraux entre lesquels on peut se faufiler en rentrant le ventre... et tout autour, le fond descend rapidement, parfois avec une paroi corallienne, mais parfois juste par une pente abrupte de sable. Nous avons eu la même réaction avec Pierre : bâtons sous les bras et SCHUSS !!! Le corail est très beau mais il y a un peu moins de poissons qu'aux Roques. Les Aves ont été très fréquentées, à l'époque où le Venezuela était plus sûr, par les voiliers qui venaient y passer la saison des cyclones. Et le garde-manger était sous leur quille. Aujourd'hui, nous voyons juste Parenthèse ancré plus proche de la mangrove.

Nous nous faufilons en annexe dans la mangrove pour observer les oiseaux puis nous la traversons à pied pour aller au vent, sur un sorte de lande faite de corail et de plantes grasses dont le vert intense nous change du turquoise. Dans les rochers, c'est le cimetière habituel de bois flottés et plastiques en tous genres. Il y a largement de quoi ouvrir un magasin de chaussures pour unijambistes.


Quelques pêcheurs habitent dans des abris sommaires sur la plage. Ils viennent nous trouver pour nous vendre poissons (non merci, on est servis !) et langoustes ( ça, pas de refus !). La négociation est vite terminée quand ils apprennent que nous avons des cigarettes (achetées pour cette éventualité). Ils nous demandent aussi de l'eau. Ces pêcheurs sont très jeunes et paraissent avoir les yeux brûlés par le soleil. Sans lunettes, ils passent deux mois isolés dans cet univers éclatant de lumière. Ce qui est un paradis pour nous est peut-être un enfer pour eux ? Heureusement que les quelques bateaux de passage leur permettent quelques échanges. Eau, bières et cocas frais, cigarettes sont leurs gourmandises... on ne leur a pas proposé de poisson !

Après deux jours dans ce bel endroit, nous préparons l'arme fatale, le spi, pour parcourir les 12 milles jusqu'aux Aves de Sotovento. Gaston a été longtemps l'équipier de Pierre et il régate toujours beaucoup (quand il ne fait pas de la chute libre à ski !) Nous devons lui montrer qu'on n'a pas perdu la main ! Mais bien sûr il faut tenir le spi le plus longtemps possible et "raser"(selon moi !) le récif au largue... Je stresse et ils se moquent de moi ! Snif !

Nous mouillons sous le vent du phare au nord des Sotovento. L'odeur et le bruit nous indiquent tout de suite que l'îlot est bien occupé. Cette fois-ci, ce sont des sternes et des mouettes. Beaucoup plus craintives que les fous, c'est l'envolée générale quand nous tentons une approche et je me fais même "canarder" ! Beurk ! Mais nous pouvons apercevoir les petits oisillons qui courent se cacher à notre arrivée.

Encore de beaux fonds pour le snorkeling et cette fois le capitaine a pu pêcher sa langouste lui-même. Nous cherchons désespérément la seconde en plongeant dans toutes les caches possible... et il y en a ! Peine perdue. Comme aux Roques et à Barlovento, nous ne sommes que trois, voire quatre bateaux dans tout le lagon... ça change des Petites Antilles et ça tombe bien... c'est ce que l'on cherchait !

Après huit jours de vie sauvage, il est temps de retourner à la civilisation si Gaston ne veut pas rater son avion. Une quarantaire de milles plus loin, nous découvrons Bonaire en plein carnaval... mais ceci est un autre chapitre.

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