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De Panama au Honduras

C'est sous spi, par un bel alizé de 15 nds, que je tente d'écrire ce texte. Nous allons rejoindre Guanaja, la première des îles de la Baie au Honduras. Après toutes ces navigations au moteur (pas de vent à Panama en été) ou au près, nous avions presque oublié que la voile peut être silencieuse et confortable ! Nous avons eu du mal à quitter notre petit paradis de ces derniers jours, les Hobbies. C'est l'annonce d'un coup de vent du nord qui nous a délogés après dix jours idylliques.

Mais revenons à Panama. Nous avions apprécié l'été dans les San Blas et nous réjouissions d'y retourner après notre séjour en Suisse. Mais en novembre, la situation météo n'est plus la même ! On nous avait avertis : novembre est très pluvieux. Et bien ce n'est pas un mensonge ! On a bien vérifié... les plafonds nouvellement repeints sont tachetés de moisissures, les réservoirs sont archi-pleins, toutes les fuites du bateau ont été repérées. Le phénomène a été amplifié par la Niña, la rivale du Niño. Inondations, glissements de terrain, canal fermé pour cause de lacs trop pleins, même des morts... Fuyons ! Mais on ne peut fuir de ce cul-de-sac de Panama que par le nord. Et le vent souffle du nord la plupart du temps ! Nous attendons donc patiemment, avec le bateau Miti, une "fenêtre météo". Nous étudions tous les matins les fichiers de vent reçus par téléphone satellite. Allons-nous devoir fêter Noël aux San Blas ? Et enfin, le 17 décembre, le Conseil des Sages prend sa décision... il faut y aller demain, même s'il faut faire du moteur. 270 nm et 48 h de près avec deux nuits de pleine lune et une mer calme, ce n'est finalement pas si désagréable. Et nous n'utilisons le moteur que trois heures environ. Pierre réalise le triplé gagnant à la pêche : thon-thasar-coryphène. Cela fait bien longtemps, plus d'une année, que nous n'avons plus attrapé de coryphène !

Au petit matin, nous entrons dans la passe de San Andres et mouillons au milieu des bateaux de pêche, heureux de retrouver ce coin que nous avions bien aimé en juin. L'île déborde de touristes colombiens et sud-américains. A leur programme, fête, plage, jet ski, salsa sur faux bateaux pirates, visite de la baie en bateau moteur avec arrêt à côté des hurluberlus qui voyagent en voilier. "Regardez, il y a même des Suisses... les voiliers du MONDE ENTIER viennent à San Andres" et un petit coucou par ci et un petit clic par là ! On est sympa on n'a pas fait payer ! Toute cette agitation nous fait un intermède entre le calme des San Blas et la solitude des Hobbies qu'il nous tarde de découvrir. Enfin... pour fêter Noël, c'est idéal. Nous trouvons les petits cadeaux pour les Mitis et de quoi nous faire un repas très honorable tous ensemble. Le 25, ce sont les américains du mouillage qui organisent un potluck (prononcez "padloc", c'est une sorte de repas canadien...) à la petite marina Nene. Notre première expérience avait été surprenante puisque nous étions à peu près les seuls à avoir amené à manger et que nous n'avions pas compris qu'il fallait aussi prendre notre boisson ! Cette fois-ci, chacun joue le jeu et le buffet est bien garni.

Deux jours après Noël, la police du port fait un excès de zèle... gilets obligatoires pour tous ! David et Arnd ressemblent à deux frégates à la saison des amours. Heureusement elle n'a duré qu'un jour ! Et déjà nous surveillons la météo pour l'étape suivante. Au désespoir de Valérie, la fenêtre se précise pour le 30 (30 + 2 jours = 1er !!!) On va passer Nouvel An en mer ! On se bisera par iridium !

Cette fois-ci, les conditions sont plus musclées, le vent montant jusqu'à 28 nds avec une mer bien formée. Le pont est arrosé régulièrement et nous découvrons de nouvelles fuites. Caramba ! L'eau salée se faufilerait-elle mieux que l'eau douce de Panama ? Tout ceci mêlé à l'odeur du thon pêché et dépecé par Pierre dès la sortie de San Andres me retourne l'estomac pour le restant du voyage. Heuresement, le paradis nous attend au bout de 40 heures d'effort : les Vivirillos, une barrière der corail et quelques îlots de sable blanc. Comme d'habitude, les Mitis arrivent quelques heures après nous. Nous décidons d'un commun accord que décembre 2010 a 32 jours et qu'il est temps de fêter la nouvelle année dignement. Ils sortent un foie gras de leurs réserves, nous taillons quelques filets de thon et Valérie cuisine un poulet au citron qui remplace la langouste espérée mais introuvable ce jour-là.

J' interromps mon écriture pour aller regarder un groupe de dauphins à l'étrave. C'est toujours magique, surtout sous spi !

Je décerne à cette occasion la médaille du courage à Valérie qui supporte vaillamment ces navigations difficiles alors qu'elle est angoissée et qu'elle n'apprécie pas. Avec les enfants, pas question de rester couchée et sauter les repas ! Elle est toute émue de ce geste car pour David, comme pour beaucoup d' hommes, c'est juste "normal".

Dès le lendemain, nous entamons nos vacances au paradis. Les hommes partent pêcher et reviennent ébahis par la taille et le nombre des poissons. Ils ne savent plus où donner du fusil... il y a l'embarras du choix ! Avec les garçons nous allons à la plage et décidons de faire des sculptures d'animaux avec les matérieux amenés par la mer. Avec Valérie, nous papotons assises dans 70 cm d'eau. L'endroit est si beau que nous décidons de faire un barbecue sur la plage pour griller nos poissons. Nous invitons un équipage américain qui vient d'arriver au mouillage après 5 jours de mer et qui trouve cet accueil inespéré et bien sympa ! Langoustes et capitaines se trouvent assaisonnés de quelques grains de sable bien sûr !


Nous profitons des "vacances scolaires" de Bastien et Morgan pour écrire les aventures de notre ourson mascotte, Moulin Rôti, qu'ils aiment beaucoup. Je continue ainsi le projet "Moutako" que j'avais initié dans mon travail d'animatrice informatique. Ils viennent tous les matins, très motivés, écrire les textes et les taper à l'ordinateur. Vous pouvez voir le résultat sur le site d'Edunet. (voir lien "de nos envoyés spéciaux" au bas de la page)

Un autre bateau américain s'arrête le jour suivant. Bill est régatier professionnel, ancien lasériste de haut niveau. Il a acheté avec son amie un Hood 38 avec lequel il compte bien voyager entre ses contrats. Nous nous découvrons des connaissances communes chez les régatiers suisses. C'est bien sûr l'occasion d'un repas tous ensemble sur Anegada : menu grandiose puisque Miti amène une bonne salade verte au crabe pêché du jour, j'ai fait une terrine de poissons à la langouste et les américains nous préparent quelques lambis juste sortis de l'eau et les préparent en ceviche (cuits au citron). Une nouvelle recette qu'on retiendra ! Le lendemain, ils repartent sur Panama.

Il est temps de changer de décor...Nous décidons d'aller explorer les cayos Hobbies, 15nm plus au nord. Nous découvrons une jolie île couverte de cocotiers. Deux gros bateaux de pêche sont à l'ancre sous son vent. A terre, nous apercevons des parois brunes... des forts ? Des murs de terre ? Bizarre ! En nous approchant, nous voyons que ce sont des énormes tas de casiers à langoustes en bois. Alex et trois collègues ont la responsabilité de surveiller l'île et son matériel, convoité par des pêcheurs du Nicaragua. Ils viennent nous accueillir avec quelques langoustes de bienvenue dans leur pirogue. Heureux de nous entendre parler espagnol, ils nous invitent à visiter leur île et nous en font faire le tour. C'est la fin de l'après-midi, la lumière est magnifique, les pélicans, frégates et fous ont rejoint les arbres après leur journée de pêche. Les piles de caisse ont des couleurs fauves. Une vieille coque est retournée surt la plage : 12 cubains sont arrivés il y a deux ans à son bord, dix hommes et deux femmes. Ils ont ensuite pu rejoindre les USA, réalisant ainsi le rêve de beaucoup de leurs compatriotes. Au bout de l'île, c'est l'entassement habituel de détritus amenés par la mer. Je plaisante en voyant les nombreuses sandales en plastique et dit qu'ils ont bien de la chance sur cette île de ne pas avoir besoin d'aller au magasin de chaussures. Lechero me montre ses pieds en riant... il a deux tongs de couleurs différentes. "Le plus dur, c'est de trouver la paire !"


Nous venons de pêcher un beau thon (ça nous changera du poisson !!!! Il aurait pu pêcher un poulet tout de même !!!) et affalé le spi car la nuit arrive. Pendant que Pierre lève les filets, je me réfugie à l'avant car l'odeur m'incommode. Mauvais souvenir !

Alex nous explique cette fameuse pêche à la langouste : en juin, après 3 mois d'interdiction de pêcher, les bateaux viennent chercher les caisses stockées sur l'île et vont les poser au fond de l'eau, tous les 25 m sur des kilomètres. Les caisses, lestées de ciment, sont reliées par une longue corde qui passe simplement dans les boucles. Des viscères de vache sont mises comme appât. Régulièrement, les pêcheurs relèvent les caisses une à une, les vident, les réparent éventuellement, remettent des appâts puis les reposent au fond directement. Ils peuvent relever ainsi jusqu'à 1200 caisses par jour. Ils ne gardent que les queues des langoustes qui ont la taille requise et les congèlent immédiatement. A la fin de la saison, en février, les caisses sont abandonnées dans la mer et ils commencent, à chaque voyage, à en ramener de nouvelles sur l'île. Il y en a 3000 à ce jour mais toutes ne sont pas encore là. Chaque tas appartient à un armateur différent.

Pour échapper au ronronnement continu de leur génératrice, nous nous déplaçons près d'un îlot plus à l'est et nous retrouvons dans une piscine d'eau turquoise magnifique. Ce jour-là le vent est nul, la surface de la mer n'a pas une ride et nous voyons une raie léopard "voler" sous le bateau. Même Miti semble voler ! Pierre et David partent à nouveau en expédition pêche. Chaque endroit est un peu différent... ici, ils trouvent facilement des brésiliennes, petites langoustes à points blancs délicieuses. En passant de l'autre côté du récif, ils retrouvent de gros poissons mais c'est dangereux à cause des requins qui sont attirés par le sang. Mieux vaut être près de l'annexe et pouvoir y mettre le poisson attrapé tout de suite. Nous mangeons du poisson ou de la langouste à tous les repas (pas encore au p'tit déj heureusement) mais pour le reste, les vivres frais commencent à s'épuiser. Plus de citrons, presque plus d'oignons, plus de légumes et fruits. Nous avons pourtant des réserves "surprise" et Valérie arrive à nous faire une frangipane délicieuse pour fêter les Rois. Bastien et Morgan sont ainsi couronnés !

Nous hésitons beaucoup à quitter ce paradis. Jamais nous n'avions trouvé toutes ces conditions ainsi réunies : eaux claires et propres, fonds poissonneux et jolis, solitude, soleil, petits îlots, bonne protection... C'est encore une fois la météo qui a le dernier mot. Soit nous partons le lendemain, soit nous restons bloqués une bonne semaine à nous faire secouer par le mauvais temps. C'est un peu long ! Cap sur Guanaja !

Les conditions se sont détériorées pendant la nuit. Le vent a forci, la vague s'est levée de travers et les grains sont arrivés ! C'était trop beau pour durer ! Mais au petit matin, nous mouillons à l'abri de Guanaja. Bonjour Honduras ! Nous nous réjouissons de te découvrir.

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