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Coup de coeur pour Sao Nicolau

Sao Nicolau... "moins touristique", "plus agricole", "plus française"... la lecture des guides nous amène irrésistiblement vers cette petite île située entre Sal et Sao Vincente, dans les îles du nord. Vu depuis le mouillage, c'est une île montagneuse, dominée par le Monte Gordo, est aride. Dans le bourg de Tarrafal et les quartiers des environs , quelques maisons crépies font des tâches de couleur vive qui contrastent avec les murs sombres en parpaing de ciment de la majorité des constructions. Ce sont les émigrés qui construisent beaucoup. La diaspora capverdienne est très importante, tant aux Etats-Unis qu'en Europe, et les capverdiens survivent surtout avec son aide. Les liens avec le Cap Vert restent très fort et les émigrés reviennent souvent au pays. Depuis le bateau, nous pouvons observer la vie quotidienne des quartiers les plus populaires : la plage de gros galets sert à la fois de toilettes publiques et d'étendage à linge ! Le puits et le lavoir sont juste en face de nous et nous voyons les femmes puiser l'eau et repartir avec leur bidon sur la tête. Avant Noël, nous voyons même un groupe faire boucherie avec un porc.


Un peu plus loin, sur le sable et au quai, les pêcheurs débarquent leurs poissons, de gros thons, thazards, coryphènes, ou des quantités de maquereaux et de garupa (nom local pour les mérous). Chouchou, notre gardien d'annexe, nous fait une démonstration du découpage d'un thon. Nous lui en achetons 2 kg... à 3 euros le kg ! ici, le thon est au prix du kilo de tomates ! Eux salent les poissons pour les conserver et les sèchent ensuite au soleil.

Nous avons la chance de disposer d'une "clé" magique pour nous ouvrir les portes de l'île : Jean-Paul, un ami de Jean-Claude de "1000 sabords", vit à Tarrafal depuis 1996 et connaît tous les recoins, les bons coins et les bonnes personnes ! Il parle le portugais/créole et dispose d'un superbe 4X4 dans lequel il nous emmène sur des routes et des chemins plus tortueux les uns que les autres. Dans la montagne, il s'arrête pour prendre l'eau au chafariz (poste de distribution d'eau) pour remplir son bidon d'eau potable, l'eau de Tarrafal n'étant pas très recommandable. Plutôt qu'un 4X4, les locaux, eux, ont un âne, une brouette... ou leur tête !

Le nord de l'île montre un visage très différent du sud : une fois passé le col, d'où la vue est impressionnante, le paysage verdit puis devient tropical au fond des vallées. Des systèmes d'irrigation astucieux permettent ces cultures : une galerie, qui va capter l'eau au fond d'une ancienne vallée fossile, puis un système de goutte à goutte pour l'amener auprès des plantes sans la gaspiller. Jean-Paul fait ses courses... des tomates chez une petite épicière, des papayes chez un producteur perdu au milieu de ses bananiers... Dans les jardins familiaux, les cultures ne sont pas délimitées et juxtaposées "propre en ordre" comme chez nous. Par endroit, le sol est couvert de feuillage et on reconnaît des courgettes, des courges, des pois qui partent à l'assaut des papayers dominant majestueusement le tout.


Mais Jean-Paul nous promet une visite plus étonnante encore et on en salive d'avance : le trapiche. Niché au fond d'une vallée, on le découvre enfin... une minuscule distillerie de grogue, le rhum local. Nous sommes bien loin des grandes distilleries antillaises ! La canne est broyée dans un petit moulin électrique (il n'y a pas longtemps, les boeufs et les mules le faisaient tourner). Le jus est filtré puis mis à fermenter dans des cuves. Il est ensuite versé dans l'alambic est posé au dessus d'un feu réglé constamment et alimenté de petits écheveaux de fibres de canne. La vapeur est refroidie par l'eau d'un réservoir situé en amont qui est repompée par la suite pour ne pas en perdre une goutte. Le grogue s'écoule alors directement dans une grosse bouteille. Nous visitons un second trapiche l'après-midi, aussi artisanal mais plus soigné (photos). Nous achetons un litre de grogue et découvrons le soir... un peu tard... que c'est le meilleur rhum, le plus parfumé, que nous ayons jamais bu !

A midi, nous nous arrêtons à Vila de Ribeira, la capitale de l'île. La ville est animée, les gens venant de tous les villages en aluguer (taxi collectif) pour y faire leurs courses dans de jolies anciennes échopes. Un grand sapin de Noël trône sur la place centrale. Jean-Paul connaît bien entendu un petit restaurant sympa. On déguste notre première cachupa, plat traditionnel du Cap Vert. C'est une potée de haricots, pois, maïs qui peut être accompagnée de légumes et viande bouillis ou, comme aujourd'hui, de saucisse grillée.

Nous découvrons aussi des petits villages isolés, certains ressemblent à des villages fantômes, comme Preguiça, qui était pourtant le premier port de l'île avant le développement de Tarrafal. Il ne reste que les pêcheurs et leurs barques colorées sur la plage.

D'autres sont très vivant, malgré leur éloignement. C'est le cas de Chun. Pour s'y rendre, nous longeons d'abord la mer et passons derrière un horrible lotissement qui devait être un hôtel et qui n'a jamais été terminé. Nous passons dans Praia Branca, village coloré où nous voyons une superbe araignée. En fait, il y en a partout, accrochées à d'immenses toiles qui longent les routes de l'île. Plus loin, la route devient tortueuse et le pavage est en cours.

Nous arrivons à Ribeira de Prata et admirons sa jolie église. Il faut encore marcher un bon quart d'heure dans un chemin étroit. Nous voici enfin à Chun. Pas de route, pas d'eau courante...Et pourtant il y a du monde dans les maisons, des enfants dans les rues et sur la nouvelle place de jeux construite au seul endroit plat de la région. Les petites maisons traditionnelles aux toits végétaux nous émerveillent. Tout en haut du village, Jean-Paul retrouve avec émotion Paola, une vieille amie. Elle nous fait tout de suite entrer dans sa petite maison. Elle parle, parle et soudain pense que nous avons faim. Elle veut absolument nous faire une soupe. Impossible de la faire s'asseoir, elle se relève chaque fois pour partir à la cuisine. Nous n'avons malheureusement pas le temps de faire honneur à son accueil car la nuit tombe vite et le chemin est plein d'embûches. Paola nous accompagne jusqu'au bas du village. Je lui tiens le bras, mais je crois que c'est plutôt elle qui me soutient sur ces pavés glissants ! Elle se réjouit d'aller danser le soir et comme elle esquisse quelques pas, Pierre l'accompagne (voir le petit film Quicktime).



Nous ne sommes pas au bout des visites, Jean-Paul a encore un bijou caché au pied du Monte Gordo à nous dévoiler : Hortelao. Là encore, la route est sinueuse et non pavée et on comprend l'importance du 4X4. Là encore, nous sommes étonnés par la vie dans les rues, dans les cours. Les jeunes se retrouvent à la salle jouxtant l'épicerie. La playstation a débarqué au Cap Vert... les garçons sont subjugués. Les filles, elles, préfèrent danser dans l'autre partie de la pièce. Les vieux papotent entre eux, s'occupent de leurs bêtes ou tressent des nattes de roseaux pour isoler les toitures. Assise en face du village, j'écoute... cris de coqs, aboiements de chien, discussions, appels, quelques notes de musique traditionnelle par-ci, musique plus moderne venant de la salle des jeunes... et pas un bruit de moteur !

Nous ne sommes pas les seuls à profiter de notre guide enthousiaste. Nous avons entraîné dans l'aventure nos voisins de mouillage, Jean et Liliane sur Rataillo, qui sont de la région de Nantes comme Jean-Paul. Du coup nous festoyons d'un côté ou de l'autre en sortant les trésors de nos coffres, soutes et caves. Jean-Paul nous fait déguster son jambon sec maison (il tue le cochon avec des amis), puis du mérou noir, une pintade qu'il a fait chasser sur l'île, un fromage de chèvre de San Antao avec du pain maison puis de la papaye glacée. Quel luxe au cap Vert ! Nous profitons aussi de sa liaison ADSL pour envoyer nos voeux.

Le jour de Noël, nous distribuons de petits paquets cadeaux aux enfants du port. Nous apprenons petit à petit comment agir avec eux : éviter de leur distribuer bonbons et stylos sans raison, afin qu'ils ne s'habituent pas à mendier, mais les récompenser pour un travail, en veillant à ne pas leur donner trop d'argent pour que les parents ne les envoient pas travailler plutôt que d'aller à l'école. Pas toujours facile de trouver l'équilibre. Comme ils sont une dizaine, nous les désignons à tour de rôle, en précisant bien qui est le gardien du jour. Francili, un jeune pêcheur qui nous a accueillis le premier jour, nous a amenés à la police pour les papiers et a averti Jean-Paul que nous le cherchions (le téléphone capverdien ressemble étrangement à l'arabe !) jette un oeil de temps à autre sur les enfants. et nous signale s'ils montent dans l'annexe. Mais à Noël, le cadeau est permis. Je ne sais pas si les crayons de couleurs, ballons gonflables et autres lunettes de soleil valent à leurs yeux les fausses Barbies et les voitures téléguidées aperçues en ville et dans les magasins chinois, mais ils avaient l'air contents. Ce ne sont apparemment pas les plus gâtés.

Le 27 décembre, nous quittons avec un peu de tristesse cette belle île en espérant qu'elle garde longtemps son authenticité et ne subisse pas le développement touristique envahissant et démesuré de Sal ou Boavista. Le Monte Gordo nous fait un dernier salut et en six heures pour 45 nm (jusqu'à deux noeuds de courant à la fin !), nous rejoignons Sao Vincente et sa capitale grouillante, Mindelo. Le contraste est saisissant avec le calme de Sao Nicolau. Mais ceci est une autre histoire...

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