Le cyclone Emily (juillet 2005)... à bord de Mayero, par Bernard, Joëlle et Fanny Waber

Nous étions gagnés par l'indolence du mouillage des Tobago Cays, mouillage idyllique, se trouvant entre les îles de Petit Bateau, Petit Rameau, Jamesby et Petit Tabac une quarantaine de voiliers, presque tous de location.
Somme partis plonger avec l'annexe et, au retour, nous ne trouvons plus que 4-5 bateaux au mouillage... Curieux. Puis, en branchant la VHF, j'entends un avis d'appel urgent pour les clients Sunsail et Moorings qui sont priés de rappeler leur base et de rentrer avant le lendemain midi, en raison de l'approche d'un cyclone, qui devrait passer 120 miles au Nord de notre position, soit sur la Martinique.
Ceux qui feront la sourde oreille seront ramenés contre leur gré... Après discussion avec des skippers voisins qui sont venus nous avertir, nous quittons cet endroit de rêve (j'y reviendrai ensuite une semaine sans déraper l'ancre...) pour l'île voisine de Mayero; on prévoit d'y passer la soirée et profiter du seul resto. Mais, là aussi, vent de panique: on cloue des planches partout et le propriétaire de l'hôtel nous déconseille de rester, lui-même déménage...
Départ à 16h30 pour le Sud, plein gaz. J'avais, il y a quelques années, repéré un "trou à cyclone" sur Carriacou. Nous y arrivons de nuit, mouillons dans la baie en attendant le lever du jour. On découvre alors que le cyclone passera ici et non au Nord !
Ciel gris, plombé, pas de vent. Au petit matin, on entre dans la première partie du lagon; la deuxième partie a un seuil à 1m20 et Mayero 2 cale 1m40 dérive haute... mais je tiens à y rentrer car c'est le seul endroit abrité de toute la zone Antilles Sud...
Donc on touche à l'entrée et, sous l'œil incrédule des autres bateaux arrêtés là, Joëlle tire les 13 tonnes du bateau par la drisse de grand voile et le couche à l'aide des 15 CV de l'annexe... Et ça passe... Un grand ouf de soulagement!
Il ne reste plus qu'à foncer dans un coin de mangrove, tisser une toile d'araignée, mettre les 2 grosses ancres à l'arrière dont une avec 70 mt de chaîne, et démonter bôme et tout ce qui pourrait s'envoler; on remonte et fixe l'annexe sur le pont, on aide les voisins (aussi des Suisses, voir leur site pour les photos...perottet.site.voila.fr ) qui partent à terre avec leurs 4 enfants et vont bien le regretter.
L'attente est longue. Vers 02h le vent monte, de travers, le barographe fait sa spectaculaire plongée et je reste à côté pour écouter la VHF (bateau coulé dans la baie, skipper disparu, autres commentaires pimentés en créole) et attendre la remontée. Notre vent à mon anémo s'affole avec 64 nœuds, les voisins 70 et à 5 km sur terre il y a 90 nœuds...
Fanny dort presque toute la nuit malgré le vacarme... Nous sommes un peu inquiets pour le mât ou qu'un des bateaux de pêche local, moins bien amarré, ne nous percute; heureusement, les gros sont restés dans la premier lagon, et le lendemain un tiers des voiliers y aura été poussé sur la mangrove, donc peu de dégâts.
Pour nous, au petit jour, cela se termine avec un balcon et des chandeliers un peu tordus, pas mal de travail de coupe de bois pour se dégager, mais une grande satisfaction d'avoir fait ce qu'il fallait.

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