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Carnet de route Cubain

26.5.10 / Et puis il y a les cayes... (Photos)

Après ce bain d’histoire et de culture, nous retrouvons la mer et la nature. Pierre s’impatiente. Il a la pointe du fusil qui le démange !

Nous rejoignons les Cayos de Dios au moteur (on se croirait en Méditerranée par ici… c’est pas de vent, trop de vent ou vent dans le nez !). Ce sont de longues barres rocheuses où nichent les oiseaux. On y arrive à 19h et à 19h30 deux langoustes sont dans le bateau. On reprend notre régime fruits de mer ce qui ne déplaît pas à maman. Quelques jolis récifs nous permettent de voir pour la première fois des poissons perroquets énormes, de 80 cm de long environ. Il faut dire qu’ici les poissons ont le temps de grandir ! Ce ne sont pas les quelques pêcheurs que l’on a rencontrés qui les dérangent.

Sur une petite plage, nous découvrons des restes de tortue, des têtes de langoustes. Apparemment les pêcheurs viennent festoyer par là de temps en temps. Effectivement, nous les voyons arriver en fin d’après-midi et s’ancrer à proximité de la plage. Le lendemain, une barque s’approche de nous. Deux jeunes hommes nous proposent une caisse de langoustes. Ils ne demandent rien en échange mais ont envie de discuter. Ils pêchent la langouste pour l’exportation mais eux ne l’apprécient plus ! Pierre est invité à visiter leur bateau et à ramener encore d’autres langoustes qu’il refuse. Nous leur offrons tout de même du rhum.

Maman rêve, elle, de voir les dauphins… mais ce ne sera pas encore pour cette fois. Par contre, en sortant des Cayos, nous pêchons à la traîne un beau mérou. C’est la première fois que cela nous arrive. Il fait 5 kg et nous nous régalons  de sa chair très fine.

Nous rejoignons Cayo Largo, réserve naturelle, pêche interdite… on se contente de regarder et de photographier ! Heureusement les frigos sont encore pleins. Lors d’une de ces visites autour d’un pâté de corail, nous voyons au moins quinze langoustes se promener hors de leur cachette, comme si elles voulaient narguer Pierre qui ne peut pas s’empêcher, à chaque fois, de descendre et de les taquiner.

Cayo Largo, c’est aussi un grand complexe touristique sur les plages du sud et une jolie petite marina à l’ouest. Nous avons quelque mal à trouver la passe pour y entrer. Il y a des bouées partout mais elles ne correspondent pas à celles indiquées sur nos cartes et les fonds remontent rapidement partout où nous essayons d’entrer. Nous touchons plusieurs fois. Finalement, nous trouvons un passage et nous nous amarrons à la marina pour les formalités. Les officiels sont sympas (et amateurs de bières !). Pierre part faire une commande d’avitaillement chez Rita, la vendeuse du seul petit supermarché du coin. En fait, le magasin est vide mais Rita va à la centrale de ravitaillement de tous les hôtels (qui ont tous le même propriétaire… l’état cubain) chercher ce qu’on lui commande (et ce qu’il y a surtout !). Les prix sont bien sûr en CUC, à peu près 25 fois plus cher qu’au petit marché de Cienfuegos.

Nous retournons au mouillage à côté de la magnifique plage de la Sirena pour profiter de ces eaux turquoises et transparentes. En fin d’après-midi, nous partons en annexe à travers les canaux bordés de mangrove pour rendre visite aux iguanes de Cayo Iguanas. Nous sursautons plusieurs fois en marchant à côté d’eux sans les voir, tellement immobiles dans leur tenue de camouflage.

C’est déjà la fin des vacances pour maman qui reprend un avion pour Varadero où elle doit passer une dernière nuit. Pour nous, notre visa d’un mois arrive à échéance et nous hésitons à le renouveler. On nous a parlé en bien d’une marina en Jamaïque, Port Antonio. Cela nous tente, même s’il faut faire environ 400nm contre l’alizé pour y aller.

Mais d’abord, un événement important se profile… l’anniversaire de Pierre ! C’est à Cayo Rosario que nous le fêterons avec deux équipages français rencontrés sur place. Très belle soirée, bien méritée pour tous puisque, en matinée, nous avons dû unir nos forces (et celles des annexes) pour sortir Anegada d’une mauvaise posture : quille posée sur un banc de sable et d’herbe à 1m90 de profondeur alors que notre tirant d’eau est de 2m. Juste un peu plus loin, la profondeur au-dessus du sable turquoise était de 3m50, mais il fallait y arriver ! Cela nous a pris deux heures. Le lendemain, pour ressortir, nous avons fait des relevés à la sonde à main pour trouver un passage.

Lors de notre remontée sur la Jamaïque, nous profitons de retourner dans les Jardins de la Reine, que la météo nous a empêchés de découvrir à l’aller. Nous y retrouvons Miti pour quelques jours de croisière en commun. Les Jardins de la Reine sont connus pour être très isolés, un lieu de croisière encore préservé où on peut être seul au mouillage pendant plusieurs jours. Mais les Jardins de la Reine se méritent ! Les conditions météo n’y sont pas toujours faciles car, par beau temps et alizé établi, des vents catabatiques violents se lèvent dans la soirée et durent jusqu’au lendemain en fin de matinée. Il ne reste que quelques heures l’après-midi pour se déplacer avant que le vent ne tombe complètement en raison de l’effet thermique de jour ! Ces îlots sont couverts de mangrove et ont quelques belles plages mais notre tirant d’eau nous a souvent handicapés. Nous avons été un peu déçus de ces ilots au nom si prometteur. Par contre, même si les eaux sont vertes et pas toujours claires, Pierre et David ont fait de belles pêches avec langoustes, poulpe, capitaines, vivaneaux, perroquets.

Nous avons donc prolongé clandestinement d’une semaine ce séjour cubain qui nous laisse dans la perplexité. Quel est l’avenir de ce pays ? Comment sortira-t-il de cette impasse ? Les Cubains sont-ils vraiment pauvres ? N’ont-ils pas l’essentiel, nourriture de base, soins de base, éducation, logement ? Le superflu est-il vraiment nécessaire pour être heureux ? Mais comment accepter ce manque de liberté, cette bureaucratie, cette méfiance, cette surveillance perpétuelle. Beaucoup de questions, peu de réponses mais des moments forts gravés en nous qui nous font espérer que l’avenir ne sera pas trop dur pour ce peuple attachant mais qu’on a malheureusement trop peu rencontré.

19.5.10 / La Havane (Photos) et Trinidad (Photos)

Pierre ayant déjà visité La Havane il y a quelques années lors d’une régate et comme, de plus, nous ne trouvons pas de place à la marina, j‘irai seule chercher maman pendant qu’il reste sur Anegada au mouillage. Il me faut attendre deux jours que la poussière du volcan change de direction… pour partir en bus à Varadero. Les bus Viazul, confortables, ponctuels, avec air conditionné et WC, sont réservés aux étrangers. Les Cubains n’y sont pas admis de même que nous n’avons pas accès à leurs bus Astro (quoique dans ce sens il y ait plus d’exceptions).
Comme pour la monnaie, tout est fait pour que le touriste dépense à Cuba sans trop échanger et rencontrer les Cubains. Il y a un bon moyen tout de même d’entrer un petit peu dans leur monde, ce sont les « casas particulares ».
La encore, il y a celles réservées aux Cubains et celles pour les touristes ! Que doivent-ils faire pour être autorisés à accueillir des étrangers chez eux ? Je ne le sais pas. Mais les taxes mensuelles sont paraît-il lourdes, et ils n’ont droit qu’à deux chambres de deux lits.

C’est ainsi que nous avons atterri chez Lisette et Orlando en plein quartier du vieux Havane. Heureusement que le Routard avait averti (en parlant d’un autre appartement dans cet immeuble) que l’entrée était sordide. Sans cette indication, nous aurions peut-être fait demi-tour. Mais une fois au troisième étage l’accueil chaleureux de Lisette réchauffe l’atmosphère. Elle nous offre tout de suite un jus de fruit frais sur sa terrasse qui domine la Havane, elle nous propose un itinéraire de visite, un restaurant pour le soir et nous donne quelques conseils de sécurité. Notre chambre est claire, le lit confortable et notre salle de bain a même l’eau chaude, grâce à un bricolage hasardeux de fils électriques au-dessus du pommeau de douche. Cela n’a l’air de rien mais c’est, je pense, un luxe (pas forcément utile sous ce climat) car cela figure sur les cartes de visite, comme l’air conditionné d’ailleurs. Des trois « casas particulares » où nous avons dormi, c’est chez Lisette et Orlando  que nous avons été le mieux accueillies et où nous avons pu un peu discuter. Ils étaient professeurs de maths et de chimie et sont maintenant à la retraite. Leur fille a fait un doctorat en chimie et travaille en Allemagne actuellement. De ce fait, ils ont un certain confort. Elle nous montre sa fille sur un écran pour photos numériques, elle va visiter notre site sur son ordinateur avec accès à internet… on a retrouvé le XXème siècle ! Mais quand on se penche sur l’étroite rue Aguacate depuis la terrasse, on voit le délabrement de la vieille Havane, les balcons sans balustrades, le linge qui sèche, la végétation qui essaie de pousser dans les interstices, les câbles électriques qui jouent les toiles d’araignée, les toits éventrés. La nuit, il n’y a pas un bruit… difficile de croire qu’on est en pleine ville. Et le matin, c’est le chant du coq qui nous réveille ! Lisette nous le montre, deux terrasses plus bas, en compagnie de quelques poules.

La situation de l’appartement de Lisette nous permet d’être en cinq minutes dans la partie restaurée de la vieille Havane que nous parcourons dans tous les sens avec bonheur pendant ce jour et demi sur place. Nous aimons beaucoup la Plaza Vieja et ses bâtiments colorés. Un stop sandwich nous permet d’y admirer les colonnades et les fenêtres couronnées de superbes vitraux en attique. Seule une fontaine occupe l’espace central ce qui permet d’avoir une vue circulaire sur toutes les façades.  Guide en main, nous repérons les anciens palais, lisons leur histoire, visitons les patios qui font parfois penser à la Grèce, avec leurs boiseries bleues sur fond blanc, parfois à l’Andalousie avec les moucharabiés. Tous ces bâtiments, délabrés il y a quelques années, sont maintenant occupés par des musées, des administrations, des écoles. Il y a toujours un gardien à l’entrée mais il nous laisse sans problème jeter un coup d’œil à l’intérieur. Nous admirons aussi une ancienne pharmacie aux pots en porcelaine alignés sur de belles étagères en bois. Les quelques pauvres médicaments actuels présentés derrière le comptoir contrastent avec la richesse du passé. Quand nos pieds le réclament, nous nous arrêtons sur le banc d’une petite place ombragée… place des Armes et ses bouquinistes (que de la propagande !), place Bolivar et ses musiciens, place centrale, avenue du Prado… Un tour de ville en bus touristique nous économise les efforts et nous emmène sur le Malecon, qui est en très mauvais état. Les restaurations n’ont pas encore été entreprises dans ce haut lieu de la vie cubaine et de nombreuses maisons ont l’air abandonnées.

Le retour à l’appartement nous replonge d’un coup dans le présent des habitants de la Havane. On l’avait un peu oublié en regardant leur histoire coloniale. Un petit marché bondé au coin d’une rue, une odeur de pain qui s’échappe de la « boulangerie », simple échoppe souvent vide, des Cubains assis sur le pas de leur porte, d’autres en vélo, des groupes d’enfants rentrant de l’école, une voiture d’un autre âge de temps à autre et toujours ces murs délabrés, rafistolés, décrépis mais qui cachent souvent de belles corniches ou moulures. Certains intérieurs aperçus font froid dans le dos, des draps tendus séparent des coins de vie dépourvus de meubles, très pauvres et sombres. A deux pas de là, notre deuxième « casa » (Lisette ne pouvant nous garder plus qu’une nuit en raison d’une autre réservation et du décalage dû au volcan) est une maison coloniale de couleur vert amande. La Sra Marly nous fait descendre la clé de l’entrée au bout d’une ficelle. Nous comprenons pourquoi quand nous découvrons l’escalier étroit et pentu et encore plus quand nous la rencontrons. Avec ses 100 kg ou plus, on se demande quand elle est sortie de son appartement la dernière fois car elle ne doit plus passer en largeur dans la cage d’escalier. L’accueil est plus « professionnel » que chez Lisette, beaucoup moins chaleureux, et si l’appartement a plus de cachet avec ses fauteuils cannés et son lustre étincelant, nous ne sommes pas encouragées à en profiter. La Sra Marly n’est pas très causante, elle a des employées… un autre style !

Nous ressortons le soir, après un peu de repos, pour manger écouter de la musique, toujours et encore. Buena Vista Social Club a laissé des traces dans nos cœurs et nous profitons de chaque occasion, terrasse, coin de rue, pour jouir de quelques notes. Un jeune Cubain vient discuter vers nous. Nous sommes sur nos gardes avec tous les conseils reçus de part et d’autre. Que va-t-il nous demander ? nous proposer ? Et bien… rien ! Il a juste envie de parler et est tout étonné quand je lui offre un paquet de Marlboro que je traînais dans mon sac à tout hasard. Il nous recroisera le lendemain, s’asseyera à notre table pour continuer la discussion sans rien vouloir consommer et finira par nous offrir à chacune une pièce de 3 pesos à l’effigie du Che « pour qu’on se souvienne que les cubains sont sympas » ! Il est menuisier dans un complexe hôtelier en construction de la côte nord et passe quelques jours de congé chez ses parents à la Havane. Nous n’avons pas osé lui demander la raison de ses nombreuses réparations dentaires en or… nous observerons les mêmes chez les pêcheurs de Cayos de Dios… si pauvres et autant d’or dans la bouche… c’est étonnant.

Mais il est temps de remonter dans un bus pour le sud… cap sur Trinidad. Les cinq heures de voyage font défiler sous nos yeux la campagne cubaine, les grandes étendues cultivées (bananiers, orangers, manguiers, canne à sucre, rizières) alternant malheureusement avec de grandes zones de friches ou de maquis. Les moyens techniques semblent bien rudimentaires. On ne voit pratiquement pas de tracteurs, quelques systèmes d’arrosage automatiques, mais beaucoup de chevaux, de charrettes, et des cantonniers qui coupent l’herbe des bas-côtés en balançant d’un côté à l’autre une lame d’une cinquantaine de centimètres attachée au bout d’une longue tige. Trois brins et demi en un mouvement… cela donne du travail à tout le monde ! Et avec l’entraînement du fauteuil à bascule, le rythme y est ! Autant en rire…

A la descente du bus, c’est l’attroupement habituel des propriétaires de casas qui cherchent le client, empêchés d’entrer dans la cour par une longue chaîne. Sur un panneau, « Arlette et Nicol », Lisette a bien fait son travail et nous sommes attendues. C’est ainsi que nous débarquons chez … Heidi ! Il faut le faire… venir à Trinidad pour trouver une Heidi ! Elle-même connaît l’histoire et nous parle de la « chica de la montana ». Quand nous découvrons notre chambre, c’est plutôt l’univers de Barbie avec des couvre-lits satinés rose fluo et rose bonbon.

Tout de suite, nous partons en exploration dans cette ville classée patrimoine de l’Unesco à juste titre. A la différence de la Havane, Trinidad est campagnarde. Cette ancienne cité sucrière  est restée longtemps isolée du reste de Cuba, ce qui l'a préservée. Les rues sont encore pavées de galets tord-chevilles, les maisons basses ont des toits en tuile ronde plus ou moins intacts et sont de toutes les couleurs, tantôt vives, tantôt pastel. Pour la protection des habitants, les hautes fenêtres sont fermées par des grilles en bois tourné ou fer forgé. Un sympathique musée de l’architecture locale nous explique tous ces détails. C’est un plaisir de se perdre dans ces ruelles colorées. Depuis le sommet d’un mirador conçu à l’origine pour la surveillance des ouvriers dans les plantations de canne à sucre, nous avons une vue incroyable sur ces vieux toits avec quelques palmiers qui dépassent, un joli clocher, la mer en arrière plan d’un côté et la montagne de l’autre. Le soleil couchant donne une atmosphère magique à cet endroit où nous serions bien restées plus longtemps.

Nous avons choisi, pour une fois, de manger à la « casa ». Heidi ne nous prépare pas une fondue… mais un bon poisson avec salade, riz et assiette de fruit. Repas bien équilibré et très bon mais nous regrettons d’être abandonnées à la table en formica de la cuisine bien proprette pendant que Heidi regarde la TV dans le salon pour ne pas nous déranger. Ont-ils des consignes  de ne pas trop parler aux clients ? Nos amis de Miti auront la même impression de ne pas pouvoir communiquer facilement avec les logeurs.

Et pour notre dernière soirée d’escapade, nous repartons pour une séance de tord-chevilles à la recherche de la salsa ! Malheureusement, je ne suis pas aussi douée que Pierre comme banquière et je me rends compte qu’il ne nous reste plus que 9 CUC en poche. La banque est à l’autre bout de la ville. Nous nous accordons donc un seul verre sur une terrasse où joue un groupe, puis nous asseyons sur les marches en dessous de la Casa de la Musica pour admirer les danseurs et se remplir les oreilles à l’œil (!).

Demain nous retrouverons Pierre et Anegada et visiterons rapidement Cienfuegos avant de partir pour Cayo Largo.


10.05.2010 / Cienfuegos (Photos)

Nous arrivons de nuit dans la grande baie de Cienfuegos car le vent nous a
fait défaut pour ces 80 nm. Après une séance de slalom entre les rouges et
les vertes (bouées), nous mouillons devant la marina qui s’annonce
complète. Cuba commence à être mieux connue des navigateurs et nous serons
même 18 bateaux au mouillage après l’arrivée de la Transcaraïbe des
Passionnés. Cienfuegos est aussi l’endroit idéal où laisser le bateau pour
partir à la découverte de l’intérieur et pour visiter la Havane depuis la
côte sud.
Nous découvrons une ville très agréable à vivre et du coup nous révisons
notre jugement précédent sur le harcèlement. Nous pouvons nous promener
sans problème dans les rues qui quadrillent la ville, numérotées paires
dans un sens et impaires dans l’autre. La marina est au bout du Prado, une
avenue très large qui pourrait accueillir des flots de voitures mais n’est
parcourue que par quelques vélos-taxis et quelques bus. Nous testons le
vélo-taxi, un peu honteux de nous faire tirer par un pauvre cubain qui sue
sous le soleil et qui jette des regards attentifs derrière lui pour voir
si la police n’arrive pas car il n’a pas le droit de faire monter des
touristes. Du coup il demande le prix fort pour anticiper l’amende de 20
CUC qu’il aura s’il se fait prendre. Un jour, un vieux monsieur en
fauteuil roulant s’accrochera derrière nous et profitera des mollets
vaillants de notre cycliste pour retourner à la ville. Le rythme lent du
pédalage nous permet d’admirer les demeures à colonnades qui bordent l’
avenue en créant des arcades agréables pour marcher, discuter…ou faire la
queue !
Nous remarquons en effet que, plus que les anglais encore, les cubains
font la queue partout. Les échoppes donnent sur la rue et il faut attendre
pour acheter ici un peu de pain, ailleurs un peu de lait, ou pour boire un
jus ou une boisson gazeuse. Celui qui arrive crie « Quien es l’ùltimo ? »,
(qui est le dernier) et il repère la personne après qui il passera. Ainsi
il n’a pas besoin de rester derrière lui, il peut se déplacer et papoter.
Bien sûr les novices comme nous arrivent et se mettent n’importe où en
passant devant plusieurs personnes, quand ce n’est pas devant tout le
monde… mais la tolérance des cubains est immense.
Pour faire nos courses, nous devons effectuer une véritable chasse au
trésor car les vivres sont disséminés, cachés dans toute la ville. Nous
cherchons des pommes de terre depuis deux jours. Nous avons remarqué un
marché qui paraît plus important à la périphérie de la ville. En fait, il
n’y a que des oignons, des choux et… des pommes de terre. Nous repérons
les plus jolies, même si dans ce stand il faut faire la queue, nous
patienterons. Nous comprenons que c’est un sac de riz qui attire autant de
client. Ils ouvrent un sachet plastique ou un sac en jute et le vendeur
leur verse un ou deux kilos de riz. C’est bientôt notre tour quand le fond
du sac est atteint. Quelques mots criés, que nous ne comprenons pas, et
les clients s’éparpillent d’un coup. Plus de riz pour aujourd’hui… ils
vont poursuivre leur recherche ailleurs, sans autre réaction de
mécontentement. Heureusement pour nous, il y a toujours des pommes de
terre.
Un autre jour, Pierre trouve de beaux citrons verts et fait la jalousie
des copains. En allant à la boulangerie le matin, quand il y a encore du
pain, on en obtient finalement facilement, contrairement à ce que nous
pensions à Santiago. Au marché, on trouve du porc et dans les petits
supermarchés un peu de poulet congelé. A celui de la marina, il y a du
beurre et du fromage… congelés aussi. Mais nous nous régalons surtout de
magnifiques mangues, énormes et juteuses.
Chez Coppelia, un grand glacier, nous dégustons une énorme glace après
avoir passé devant tout le monde. La queue est si longue qu’on ne peut pas
deviner que c’est pour une simple glace que les gens attendent si
patiemment ! D’autant que la liste des parfums est réduite : banane ou
chocolat ?
Nous découvrons aussi, au hasard des rues, les petits artisans. Dans un
atelier de réparation, il y a quatre guichets avec des pancartes :
télévision, radio, petits appareils, électronique. Une dame repart avec sa
plaque électrique remise en état. Un employé cherche la panne dans un
vieux téléviseur. Tout se répare, rien ne se jette… cela nous rappelle la
Tunisie.
Ailleurs, c’est le salon de coiffure qui nous impressionne. Trente mètre
sur dix, une vingtaine de poste de travail tout autour et des sièges pour
patienter au milieu. Là encore, quand je demande comment prendre rendez-
vous, Ada me prend par le bras et m’amène à sa place sans attente. Elle me
fait une coupe tout à fait correcte. Une amie me dira qu’elle a trouvé cet
endroit très sale… Moi, j’ai discuté avec Ada de sa fille, de notre
voyage, car ils posent plus de questions sur notre vie qu’ils ne s’
épanchent sur la leur, et je n’ai rien vu d’autre ! J’ai eu un moment de
surprise quand je me suis rendue compte après coup que j’avais payé la
coupe 30 ct d’euros… facturées pourtant 50 % plus cher qu’aux autres
clients.
Autour de la marina, l’ambiance de la Punta Gorda, sans être touristique,
est plutôt aux loisirs. Les écoles ont une semaine de repos (on ne dit pas
vacances ici !) et les jeunes arrivent dans les bus bondés pour se baigner
à la plage. Le bruit nous rappelle les piscines de chez nous en plein été.
Les habitations sont aussi tournées vers l’accueil des voyageurs avec de
nombreuses « casas particulares » qui sont l’équivalent des chambres d’
hôtes. De style 1950 le long de la grande avenue, elles sont plus
anciennes proche de la pointe. Comme dans toute la ville, on dirait que le
temps s’est arrêté un jour de 1959. En regardant par les portes ou
fenêtres ouvertes sur la rue pour créer un peu de courant d’air, on
aperçoit les intérieurs qui ressemblent à ceux de nos grands-parents. La
différence notoire, c’est le fauteuil à bascule. Que ce soit sur la
terrasse ou devant la télévision, isolé ou en groupe, en bois, en rotin,
en fer forgé, en plastique… le fauteuil à bascule fait l’unanimité. C’est
peut-être grâce à lui que les cubains supportent ce temps immobile qui les
fait vivre 50 ans en arrière alors que le reste du monde est en 2010.
Tout au bout de la Punta Gorda se trouve un petit bar dans un joli jardin.
Cela fait quelques jours que je l’attends mon mojito cubain… et nous nous
installons avec plaisir au comptoir à l’heure de l’apéritif. Après un
quart d’heure, on se retrouve à trois équipages francophones à avoir eu la
même idée et surtout la même info…le Guide du Routard ! Dommage, le mojito
n’est pas aussi bon qu’il est annoncé.
Mais il est temps de partir récupérer maman à la Havane, retardée par le
volcan islandais… Je laisse Pierre seul sur Anegada quelques jours
puisqu'il a déjà vu La Havane il y a quelques années.


 19.04.2010 / Les Cubains manquent de tout ? (Photos)

C’est le triste constat que l’on fait après 10 jours
dans le pays... A Santiago, nous avons trouvé les images que l’on attendait. Identiques exactement à
toutes les photos superbes vues dans les magazines ou à a télévision : les vieilles
voitures américaines (avec une ou deux couches de peinture en plus), les façades des
bâtiments coloniaux (avec plutôt de la peinture en moins ! ), les musiciens sur les
places. Pas de surprise donc côté visuel… mais quel choc du côté humain ! Nous ne nous
attendions pas à autant de manques et de demandes. Des amis se plaignaient d’être
harcelés à Mindelo… qu’ils viennent voir ici ! Nous avons essayé de nous asseoir sur
la place devant la cathédrale pour nous reposer mais aussitôt des gens se mettaient à
côté de nous et demandaient plus ou moins directement (certains engagent tout de même
la conversation sur un autre sujet d’abord) un stylo, un savon, du dentifrice, du
lait, un T-shirt ou carrément un CUC (la monnaie des touristes). Ils peuvent acheter
tout cela dans les magasins mais ils doivent le payer en CUC (= Frs 1.20) alors qu’ils
sont payés en pesos cubains qui valent 25 fois moins. Leur salaire est de 300 à 400
pesos. Un vulgaire bic vaut environ un jour de salaire ! Je me souviens qu’au sud de
la Tunisie, les enfants refusaient les stylos qu’on leur offrait et réclamaient des
pièces. Ici ce sont les adultes qui demandent des stylos !

Nous trouvons le marché, appelé ici agromercado, grand bâtiment en maçonnerie segmenté
en de nombreuses salles. Les légumes, tomates, poivrons, pommes de terre, oignons,
gombos, carottes, choux, concombres aubergines sont présentés en petites piles. Le
bois d’Inde (sorte de poivre) est présenté en minuscule sachets, le bouillon se vent
par cube. Là on paie en pesos. Les Cubains ne manquent pas de produits de base, à part
le lait qui est réservé aux enfants. Nous essayons d’acheter du pain mais il nous est
refusé comme nous n’avons pas les tickets. Ailleurs il n’y en a plus… trop tard !

Après la visite d'une des plus anciennes maison coloniale d'Amérique latine, El Museo
de Ambiente Historico et ses superbes meubles qui montrent la diversité des influences
dans ce nouveau monde, nous entrons dans la Casa de la Trova où un orchestre joue de
la salsa. Des chaises en bois sont alignées face à la scène, occupées par quelques
touristes mais surtout par des cubains qui viennent là apprécier leur culture. Pas
d’entrée à payer, la musique n’est pas rationnée et c’est un bonheur de pouvoir partager
ce moment. Félix m’invite à danser et veut m’apprendre la salsa… mais c’est peine
perdue. Je ne suis pas douée ! Mieux vaut écouter.

Nous retournons à la marina dans notre « taxi » Lada de 26 ans qui n’a plus de
démarreur. Les sièges n’ont plus de ressorts et les gaz d’échappement reviennent dans
l’habitacle. En plus, il faut passer par les petites routes défoncées pour éviter la
police. Mais au moins on a l’impression de vivre le vrai Cuba et pas celui des
touristes… Erreur… les cubains ne prennent pas le taxi mais le bus (qui ressemble
parfois à une bétaillère), le camion, la charrette ou ils vont à pied.

Nous remarquons que même les professionnels n’ont pas de matériel adéquat. Pour avoir
de l’électricité à la marina, nous devons prêter notre multimètre et une pince à l’
électricien pour qu’il répare la borne. Cette voiture, qui chez nous serait à la casse
depuis longtemps, vaut ici une petite fortune.

Avant de quitter Santiago, nous allons observer la passe de sortie à partir du superbe
Castillo del Morro qui la domine. Construit par les Espagnols en 1638 pour protéger la
ville, il contient, entre autres, une exposition sur les pirates, les corsaires et les
flibustiers, ainsi qu’une impressionnante rampe à monter les boulets de canon à l’
étage. L’architecture en étoile permet de beaux points de vue sur la baie et de
nombreuses jolies photos… que je garde pour l’instant !

En sortant de la baie, nous ne sommes pas encore conscients que nous quittons la
civilisation pour 10 jours. En effet, même lorsque nous sommes proches d’un village
comme à Cabo Cruz, nous n’avons pas l’autorisation d’aller à terre. La Guardia, par
contre, est toujours présente et vient contrôler les papiers et faire une fouille
succincte.

Pierre est très en souci car nous n’avons pas fait un réel approvisionnement pour ces
dix jours, n’étant pas retournés à Santiago. De mon côté, je me dis que nous ferons
avec les moyens du bord (depuis le temps qu’on charge ce bateau en prévision de Cuba
!!!) et que nous pouvons vivre 10 jours en mangeant plus simplement. Et c’est réussi !
Voici nos menus de ces derniers jours :

Lundi midi :
Sashimi mi-cuit de wahoo

Lundi soir, anniversaire de David :
Caviar d’aubergines
Langouste au grill
Daurade coryphène en papillote et brochettes de wahoo, riz aux poivons
Gâteau au chocolat

Mardi midi :
Langouste au grill

Mardi soir :
Wahoo grillé avec sauce mayonnaise/curry, tomates

Mercredi midi :
Salade verte, salami et gruyère suisse (ramenés en RDom)

Mercredi soir, apéritif sur Téoula
Dés de dorade cuits au citron, hoummous, saucisson, pop-corn

Jeudi midi :
Cigales de mer au grill, coleslaw

Jeudi soir :
Risotto artichauts-wahoo

Vendredi midi :
Tartare de thon

Vendredi soir :
Spaghettis aux langoustes

Entre la pêche au large, la nôtre et celle des copains, et la pêche sous-marine,
l’avitaillement en protéines est assuré en quantité, en qualité et en variété ! Et les
Cubains alors… ils ne peuvent pas faire pareil ? Et non, les pauvres n’ont pas le
droit de pêcher la langouste, sauf les pêcheurs professionnels qui n’ont pas le droit
de nous la vendre ! Ils viennent tout de même discrètement faire des échanges,
langoustes contre T-shirt ou rhum. Les autres n’ont même pas le droit d’avoir une
barque et tentent leur chance sur des grosses chambres à air de camion. Ailleurs, des
pêcheurs viennent à la nage depuis leur bateau pour échanger des oeufs, des tomates,
des oignons.

Pour l’instant, nous n’avons donc pas vraiment rencontré cette joie de vivre des
Cubains. Nous les sentons plutôt résignés. Mais nous attendons impatiemment la suite.
Dans deux jours nous découvrirons Cienfuegos puis La Havane avec maman.


12.04.2010 / Notre entrée à Cuba...

21h30 le 7 avril... Nous avons mis 60 heures pour faire les 430 nm depuis
Samana. Bonne moyenne avec deux pointes au surf de 11,2 et 12,4 nds ! Le
Windward canal se passe facilement... du moins dans ce sens !

Après une excellente nuit (grâce aux magiques spirales anti-moustiques),
nous démarrons à huit heures le marathon des autorités. La santé d’abord,
avec Daniela, une charmante médecin qui remplit les premiers formulaires
et nous pose quelques questions sur notre santé. Son acolyte (les
officiels viennent toujours par deux... au minimum) nous demande un peu de
colle pour réparer sa pauvre clé USB. Pierre sort l’epoxy et la remet en
état. Il passe alors à la fumigation du bateau pour tuer moustiques,
cafards et compagnie. Nous fermons tout, il spray puis nous attendons à
l’extérieur... qu’une seconde rafale arrive : les inspecteurs sanitaires.
Eux remplissent d’abord les papiers (en attendant la mort des moustiques),
puis nous entrons dans le bateau où ils contrôlent les fruits et légumes,
le contenu du frigo (pas jusqu’au fond heureusement !), les réserves de
riz et de farine. Ils chassent les petites bêtes indésirables qui
pourraient envahir Cuba. Leur règlement est très strict. Ils devraient
jeter toute notre nourriture fraîche. Heureusement ils ne l’appliquent pas
à la lettre et, voyant que nos produits sont sains, ils nous demandent
juste de les consommer à bord et de ne pas les amener à terre. Comme ils
vont jusque au bout de leurs idées, les poubelles à notre disposition à
terre sont désinfectées régulièrement et ils disposent d’un incinérateur
spécial pour leur contenu. Il y a un an, l’incinérateur est tombé en
panne. Pendant quelques semaines, cela a été impossible de faire son
entrée à Santiago ! En montrant le contenu du frigo, j’ai ouvert la boîte
des délicieux petits oeufs en chocolat suisse et en ai offerts. Comme je
l’ai laissée à disposition, l’un des officiels s’est régalé... sans avoir
l’air d’y toucher, tout en discutant tranquillement... quand ils sont
partis la boîte était presque vide.

Le responsable de l’immigration passe chercher les papiers du bateau. il a
déjà les passeports depuis hier soir. Une jeune dame en “bas qui
grésillent” (dixit Pierre/Coluche) et chemise blanche immaculée aux armes
des garde-frontières nous annonce la venue des douanes et de leur chien.
Un joli épagneul arrive, très excité à l’idée de toute la drogue qu’il va
trouver dans notre Anegada. Il a beau fouiller partout, il repart
déçu.Mais voilà que s’annonce un vrai bataillon :
4 douaniers entrent dans le bateau et commencent une fouille en règle (et
il y a du boulot avec tous ces coffres et tout notre matériel et les
réserves pour deux mois). Ils découvrent des choses qui les interpellent,
les mélanges de graines pour le pain, les bolets qu’ils sniffent
(hallucinogènes ?). Ils ouvrent les coffres, les boîtes, les sacs pendant
une bonne heure. Ils mettent les scellés (un simple scotch) sur nos GPS,
le téléphone satellite, les fusées de détresse pour le temps de notre
séjour à la marina. Enfin je peux aller au bureau
signer encore une dizaine de documents certifiant que notre inspection
était négative (= pas de problème à signaler). Nous récupérons nos
passeports avec nos visas valables 30 jours.

Tout est en règle, nous sommes à CUBA ! Cette énumération pourrait
paraître terrible mais ces formalités ont été faites dans une très bonne
ambiance, très courtoise, respectueuse, souriante avec force “Benvenidos à
Cuba”. Nous devions assister à la fouille, chacun à un bout du bateau, et
si on devait s’absenter, ils arrêtaient immédiatement en nous attendant.
Nous nous sentions plutôt malheureux d’étaler tant de richesses alors que
leur salaire MENSUEL est de quelques 10 euros !!! Un douanier nous a
demandé le prix d’un ordinateur portable en Europe. Cela correspondait
pour lui à quatre ans de salaire. Quand nous discutons avec les
inspecteurs de la santé à propos du lait, qu’ils n’obtiennent que pour les
bébés et les enfants, leurs yeux brillent à l’idée d’un café au lait ou
d’un verre de lait pour le petit déjeûner.

Nous pouvons maintenant nous promener dans la "marina", deux pontons en
béton où douze bateaux de voyage sont amarrés (dont trois bateaux suisses
tout de même !). David (de Miti), a organisé un cochon grillé à la broche
pour ce soir. C’est un particulier qui le fait devant chez lui, il tourne
le cochon à la main, tranquillement, en plein soleil. Il sera cuit avant
lui. Demain nous découvrirons Santiago de Cuba.

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