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Bonaire et Curaçao
mars 2014

Les premières images de Bonaire que nous découvrons, ce sont les montagnes de sel. Puis apparaît cette ligne bleue turquoise qui borde toute l'île. Comme un trottoir pour les poissons, une bande de sable blanc dans de l'eau peu profonde pour apprendre aux petits à bien nager avant d'affronter les profondeurs qu'on trouve juste plus loin, après le tombant.

Bonaire étant un paradis pour les plongeurs, tout est très protégé et réglementé. Nous prenons donc une bouée devant la ville de Kralendijk. Juste sous notre échelle, l'eau change de couleur et le fond passe de 4 m à 30 m. Nous avons presque le vertige en admirant les poissons qui viennent se régaler de ce qu'on leur offre ! Je suis un peu soucieuse de devoir réinstaller notre système de traitement des toilettes car c'est un peu compliqué... mais les boîtes à eaux noires ne sont que conseillées. Par contre nous sommes toujours stressés au moment de pomper car des plongeurs passent parfois juste sous le bateau pour aller sur le tombant depuis la plage toute proche. Alors on poste un guetteur... "C'est bon ? Ya personne ? J'peux pomper ?".

A peine débarqués au ponton du Karel Bar, nous prenons la direction du joli bâtiment des douanes. A voir les autres bâtiments de la ville, le jaune semble être une couleur traditionnelle. Les formalités d'entrée sont vite expédiées, grâce à un douanier très sympa et un agent d'immigration qui nous rejoint dans le même bureau ! C'est rare ! Après ces dix jours de vie sauvage, le bar est bienvenu et le repas "viande" au restaurant aussi. C'est déjà la dernière soirée pour Gaston qui repart tôt le lendemain sur St-Martin. Le monde nous soûle rapidement et nous ne demandons pas notre reste.

Mardi 4 mars... c'est carnaval à Bonaire et nous assistons à la parade en soirée. Colorée, joyeuse et familiale, elle nous montre d'emblée le métissage de l'île que nous n'aurions pas forcément deviné en restant sur le quai entre voiliers et paquebots. N'étant pas la reine des prises de vue nocturnes, voici un petit film du défilé que j'ai trouvé sur internet pour vous donner une idée de l'ambiance.

Bonaire fait toujours partie des Pays-Bas Caribéens avec Saba et Ste-Eustache, et la Hollande est bien présente dans les enseignes et les noms des rues. Mais seuls 2 % de la population sont de langue maternelle hollandaise alors que c'est la langue officielle, celle utilisée et apprise à l'école. A côté de cela, 85 % parlent le créole local, le papiamento, un mélange de hollandais, d'espagnol, de français, d'anglais, de portugais... On dit "bon bini" pour "bienvenue" et "danki" pour "merci" ! Mais il faut bien se faire comprendre des touristes... alors 90 % des gens parlent l'anglais ! Et puis en raison de la proximité avec l'Amérique du Sud, 45 % parlent l'espagnol. Et puis il y a les chinois, les indiens, les allemands, les italiens... Il paraît qu'on y dénombre 80 nationalités ! C'est ainsi que le petit Junha, que nous avons rencontré devant l'épicerie de ses parents en faisant le tour du l'île en scooter, parle le hollandais à l'école où il apprend aussi l'anglais. Avec ses copains, il parle le papamiento et à la maison le chinois !

Du coup je suis complètement perdue et ne sais plus quelle langue utiliser. Je commence dans l'une, continue dans l'autre... et assiste même un catamaran compatriote en allemand pour attraper les bouées d'amarrage. C'était tellement convaincant qu'ils ont cru que je parlais hollandais (!) et que je travaillais pour la marina !

Le nord de l'île est couvert de cactus. C'est le domaine des iguanes, qui figurent au menu de beaucoup de restaurants et que j'ai goûtés lors de notre pause déjeûner. Bon goût de poulet mais quel travail pour trier et recracher les os ! On voit aussi des ânes qui errent sur des plateaux désertiques en bord de mer. Depuis que la machine les a remplacés, ils sont à la retraite, en liberté, et survivent tant bien que mal. Les chèvres broutent les herbes sèches et même certains cactus ! Faut pas être difficile ! Il y a longtemps, elle produisaient une des richesses de l'île, le fumier, exporté par bateau jusqu'à Grenade où il engraissait les champs de cannes à sucre.

Le cactus Kadushi peut mesurer plus de 10 m de haut ! Il est utilisé pour faire de magnifiques barrières, une tradition qui a l'air de perdurer sur cette île attachée fièrement à sa nature. Une partie de l'enveloppe extérieure, celle juste sous les épines, est cuisinée en soupe. On en fait aussi une liqueur, une des spécialités de l'île, prisée par les touristes débarquant de leur paquebot en quête de souvenirs authentiques.

En retrouvant le bord de mer, nous observons les plongeurs. Contrairement aux Antilles où il faut un bateau, donc un club pour aller sur les sites, ici il suffit de louer un pick-up et des bouteilles. On charge le matériel à l'arrière et on choisit parmi la petite centaine de lieux notés d'une pierre jaune en bord de route. C'est vraiment dommage que Pierre ne plonge pas en raison de problèmes d'oreilles. Seule je ne peux pas m'aventurer bien loin, donc je renonce.

Le lendemain, c'est le sud qui nous attire. Changement de décor... ici on retrouve la Camargue et ses salines. Les montagnes de sel sont immenses et dominent les marais aux couleurs rosées magnifiques. Les cargos restent au large et sont chargés par un tapis roulant.



A l'époque, ce sont les femmes qui portaient sur leur tête les paniers remplis de sel jusqu'à de petites barques, qui rejoignaient ensuite le bateau au large. Les maisons de ces esclaves sont encore visibles sur deux des quatre lieux de production qui existaient à l'époque. Chacun d'eux était repérable depuis la mer grâce à un obélisque de couleur orange, bleu, blanc ou rouge. Des moulins à vent, maintenant secondés par des pompes électriques, gèrent le remplissage des salines, dont l'origine naturelle semble remonter à un tsunami il y a plus de 3000 ans.


Les lagons sont le paradis des windsurfeurs que nous regardons évoluer avec envie depuis un petit bar bien sympa. Ici comme sur toute l'île, le bois flotté est réutilisé avec bonheur dans la décoration. Du coup les poubelles se camouflent en oeuvres d'art !


Avant de repartir de l'île, nous profitons de ses commoditiés : une laverie gigantesque avec Wifi gratuit, un glacier italien redoutable et un supermarché plein de trésors pour nos papilles. La Hollande a établi des colonies en Inde et en Indonésie et sa cuisine s'en ressent !

Après les formalités de sortie obligatoires, même entre les îles ABC, nous partons pour Curaçao, distante de 30 milles. Entre les deux, l'îlot de Klein Curaçao nous fait de l'oeil. On n'est pas sensé s'y arrêter sans avoir fait les entrées à Curaçao mais c'est le week-end et on trouvera bien une excuse si jamais ! Nous souhaitons voir si cela vaut la peine de faire 12 milles face au vent pour y revenir plus tard. La réponse est OUI... définitivement ! Pourtant nous n'y sommes de loin pas seuls le samedi soir. Il y a même des jeunes qui campent sous des abris de pailles. Et le dimanche, les habitants de Curaçao y viennent avec des bateaux de pêche au gros et des sonos parfois gênantes. Mais quand nous revenons en semaine, nous sommes le seul voilier avec quelques pêcheurs. Les day-boats débarquent leurs touristes entre 9 et 15h, moments pendant lesquels nous nous "cachons" dans le bateau. Ensuite l'île est à nous... avec en prime de magnifiques coucher de soleil et lever de lune !



Nous profitons des fonds magnifiques et bien peuplés pour faire de sympathiques snorkelings. Mais il faut être attentif au courant, assez fort aux extrémités de l'île, là où c'est le plus joli bien sûr ! On voit de beaux coraux, beaucoup de bancs de poissons, quelques énormes perroquets, des poissons anges... mais pas une langouste ! C'est plus facile de calmer mon pêcheur ainsi ! Un jour, on découvre deux gros lionfish. Mais Klein Curaçao est une réserve et nous ne sortons donc pas le fusil. Le lendemain, je découvre un harpon planté dans un bouquet de corail mou. Nous partons retrouver les lionfish... ils n'ont pratiquement pas bougé ! C'est un peu profond pour Pierre alors j'essaie ! Je les attrape du premier coup ! Je n'en reviens pas ! Mais ensuite c'est terminé... je rate les deux suivants ! C'était la chance du débutant !

A terre, les promenades nous amènent au phare, un beau bâtiment mais bien décrépi ! Sans vitre, sans tuile, il remplit encore sa fonction et domine une lande de lichens, plantes grasses et coraux fossilisés. Gardien de l'île, il n'a pas pu empêcher les accidents et les épaves diverses en témoignent. Cargo, voiliers, bateaux de pêche sont éparpillés sur la côte au vent entre bois flottés et détritus plastiques, comme d'habitude.

A côté de nous, des pêcheurs ont attaché leur amarre aux tonnes des day-boats pour passer la nuit. Ils pêchent les petits poissons sous le bateau pour avoir des appâts, afin d' attraper plus gros ensuite, le long du tombant. Pierre va discuter avec l'un d'eux et reçoit un petit thon qui nous fera un bon tartare. Ces pêcheurs restent plusierurs jours à Klein Curaçao et conservent les poissons dans des glacières qui occupent la moitié de leur espace sur le bateau. Ils s'arrêtent pour la nuit le long de la plage et repartent au tout petit matin pour une nouvelle journée. Ensuite, ils retournent à Curaçao vendre leurs prises, entre autre au marché local de Spanish Water où nous pouvons nous ravitailler.

La lumière de la fin d'après-midi est déjà magique mais un soir c'est le rêve... Nous voyons un groupe de dauphins au loin, près de la plage... Ils jouent et s'approchent petit à petit. A cent mètres de nous, l'un d'un fait un salto... pour nous saluer ou se donner en spectacle ? Ou pour nous regarder ? Ils s'approchent encore et passent sous le bateau avant de continuer leur chemin. Je suis si excitée que je me plante en filmant et enchaîne les mauvaises manipulations. Parfois il vaut mieux simplement admirer et profiter du moment !

Curaçao est notre destination finale cette saison. Nous avons réservé une place au chantier Curaçao Marine et n'avons plus que deux semaines sur place avant de sortir Anegada de l'eau. Nous en profitons pour visiter un peu. Mais en scooter c'est décevant car l'île est grande et surtout la banlieue de Willemstadt est immense, poussiéreuse et sans charme. Il faudrait aller plus au nord. Cet automne peut-être ? Seule la plantation d'aloe vera nous a un peu consolés en nous montrant une culture, la seule de l'île apparemment car le climat est extrèmement sec. Sinon, l'île vit du tourisme, de la raffinerie du pétrole et de l'exploitation des phosphates. Rien de très glamour !

Le lagon où nous mouillons, Spanish Water, est très habité. De jolies villas les pieds dans l'eau le bordent avec leur ponton privé et parfois leur bateau de pêche au gros. Il y a aussi quelques clubs nautiques et une école de voile. Quand le vent est très fort, nous profitons du spectacle des planchistes qui font des figures impressionnantes. Avec l'annexe sommes sortis jusqu'à la mer où nous nous sommes amarrés à une bouée pour snorkeller. A nouveau des fonds superbes le long d'un tombant... mais les mini méduses ça picote !

A cinq minutes à pied du ponton des annexes, côté mer, nous pouvons nous baigner sur une petite plage tranquille la semaine et envahie par les locaux le dimanche. L'ambiance est alors familiale avec toutes les générations réunies sous les parasols, autour des glacières, des grills et même des tables de dominos. Les enfants barbotent, les amoureux se bécotent et les doudous papotent ! Pierre profite de snorkeler et palmer pour entretenir son genou et il réalise l'exploit de pêcher un poulpe à la main !

Mais nos premiers jours à Curaçao sont surtout marqués par l'attente des bus ! Quand on arrive dans une nouvelle île, il faut un moment d'adaptation avant de comprendre son foncttionnement, ses transports publics, les horaires, les lieux importants. Comme Spanish Water est éloigné de la ville, on prend le bus. Mais si on sait à quelle heure il part de la ville, l'heure de passage à l'autre bout est assez aléatoire. Heureusement il y a un banc... en plein soleil... et parfois même de la musique : deux trompettistes peu doués qui, peut-être par égard pour leurs épouses, doivent avoir décidé de venir s'entraîner au bord de l'eau. Pour aller au supermarché, on prend un autre bus, gratuit, et on a une heure sur place pour faire nos courses. Mais l'heure est élastique... alors on attend de nouveau, en en échangeant des tuyaux avec d'autres plaisanciers.

Le seul véritable attrait de Curaçao (en dehors du chantier pour sortir le bateau), c'est Willemstadt, ses maisons colorées, son pont pivotant, son marché. Tout cela est bien encombré quand un, deux ou trois paquebots sont à quai ! Mieux vaut alors se réfugier dans Otrobanda, le quartier "de l'autre côté" du pont, à l'ambiance plus sud-américaine et aux façades moins "léchées". On y a dégoté un petit restau très local et très bon marché, l'hôtel Estoril, parfait pour manger avec les autochtones. Si vous aimez les tripes ou la langue, c'est au menu ! Mais il y a aussi du poulet ou des nouilles indonésiennes !


Panda, le côté plus touristique de la ville, est rempli de jolis bâtiments et bien sûr de boutiques plus ou moins luxueuses. Mais on trouve tout de même un peu de vie locale sur les marchés aux légumes et aux poissons, tenus par des Vénézuéliens. Ils dorment dans leurs bateaux et restent deux mois ici, ravitaillés régulièrement par d'autres embarcations. Car Curaçao ne produit rien en raison de son climat aride. On découvre même un vendeur de poissons-lions. Quand on veut lui en acheter, il répond que tout est réservé pour les restaurants ! On pourrait juste obtenir les têtes pour faire de la soupe... Bof !

Le 26 mars au matin, nous nous présentons devant le pont qui barre l'entrée de la lagune de Willemstadt et demandons par VHF son ouverture. Posé sur de nombreux pontons flottants en forme de barques, le tablier pivote sur un axe, côté Otrobanda, grâce au moteur de la dernière des barques. Nous nous faufilons sous l'oeil des touristes de passage et le pont se referme derrière nous. Nous quittons la mer pour sept mois et entrons dans le monde du pétrole et des raffineries ! Après une nuit à la petite marina du chantier, un engin extraordinaire sort en un rien de temps Anegada de l'eau. Deux patins sous les fesses et hop ! C'est fait !


Il ne nous reste pas trop de travail car nous avons déjà pris de l'avance ces quinze derniers jours. Notre principal souci est de bien étancher le cockpit car, chaque année, nous avons la mauvaise surprise d'avoir de l'eau dans les fonds. Et si le climat est très sec la majeur partie de l'année, les pluies de l'automne sont, paraît-il, redoutables. Nous pouvons accéder au moteur et au groupe électrogène en soulevant le fond du cockpit et c'est de là que proviennent les fuites. Nous faisons de notre mieux et nous laissons une pompe de câle branchée sur un panneau solaire. Inch Allah !

Dernier coup de chaud en arrivant à l'aéroport le lendemain : Pierre n'a pas son visa US et il ne peut pas checker ! Nous avons une escale à Miami et nous pensions que le visa n'était pas nécessaire en transit ! Grave erreur ! Et il se trouve dans l'ancien passeport qui est resté au bateau ! Heureusement nous sommes bien en avance, alors nous hélons un taxi et nous faisons l'aller-retour jusqu'au chantier qui, nouvelle chance, ne ferme qu'une heure à midi (nous leur avons remis nos clés et n'avons pas de double !). Ouf !

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