Coup de coeur pour tous les équipages croisés, parfois très brièvement, pendant, avant ou après cette traversée.

Ce trajet commun et les sentiments qui s'y rattachent donnent l'impression de faire partie de la même famille et de se connaître depuis longtemps, même si l'on se rencontre seulement quelques heures.

Il y a d'abord ceux qui devaient partir avec nous et qui ne sont jamais partis ! Stéphane et Annick, sur Colibri, ont pris la décision que nous avons parfois regretté à un moment où un autre de la traversée... surtout au moment de remettre des chaussettes : rester aux Antilles. Ils reviendront travailler en France quelques mois pour remplir la caisse de bord.

Deux autres couples on traversé en même temps que nous et les échanges de mails tous les jours nous donnaient l'impression d'être moins isolés : sur La Soghia, Jean-Luc et Ghylaine n'étaient jamais à plus de 60 nm et nous avons parfois pu parler par VHF. Nous avons eu le plasir de manger ensemble le soir de l'arrivée et de faire mieux connaissance car nous nous étions rencontrés par hasard à St-Martin juste avant le départ. Ils ont convoyé leur ancien bateau en France pour le vendre et vont retourner aux Antilles sur leur beau Garcia pour continuer par Panama.
Anahita, un bateau suisse de 35 pieds, était à la marina, en face de nous, le jour avant le départ. Benno et Alexa ont courageusement traversé directement jusqu'à Lisbonne. Ils avaient ramené leurs deux enfants en Suisse pour cette aventure à deux et étaient pressés de les retrouver. Le vent ne leur a pass été très favorable : 25 jours, pratiquement toujours au près et avec du vent parfois très fort. On attendait le mail du matin avec impatience pour savoir s'ils allaient bien. Pour eux, le travail va reprendre après trois ans d'aventures, dont celle de la construction du bateau en Afrique du Sud.

On voit plusieurs bateaux traverser avec des enfants. C'est le cas de Kazou, rencontré aussi à la marina puis croisé un jour sur le VHF au milieu de l'Atlantique. Ils terminent une année sabbatique par cette traversée parfois musclée. Quand on voit la peine qu'on a parfois à s'occuper de nous-même, on se demande où ils trouvent la force de s'occuper encore de trois enfants.

Toutes les nationalitsé se croisent sur les pontons. Beaucoup de nordiques et de français, quelques anglais, allemands, suisses et un équipage québécois très sympathique convoyant un bateau français sous pavillon belge ! Assis au soleil sur la digue couverte de peintures colorées, Normand nous a"conté " (avec l'accent) des morceaux de sa vie de sauveteur en mer des îles de la Madeleine pendant que son skipper réalisait leur oeuvre. Un moment bien agréable !

Et puis il y a les jeunes, ils n'attendent pas d'avoir une fortune pour partir et se débrouillent avec les moyens du bord, souvent ingénieux.

Sur Saltimbanque, un 28 pieds, un coupe de bretons a navigué pendant trois ans entre l'Afrique, le Brésil et les Antilles avant de retourner en Bretagne via les Açores. Pour faire des économies, ils réalisaient eux-même le pavillon de courtoisie que l'on hisse à l'arrivée dans un nouveau pays (= nouvelle île aux Antilles !) en le peignant sur du tissu.

Didier, un bateau-stoppeur toulousain, a trouvé un embarquement sur le beau cata convoyé par le skipper corse Jérôme. On a fait connaissance à la marina avant le départ, on s'est retrouvé à Horta où ils attendaient désespérément une pièce de rechange (pendant les fêtes de l'Espiritu Santu !) et on espère se revoir en Corse !

C'est l' équipage d'Orlande qui a la palme du courage. Sur un bateau en ferro-ciment lourd et peu équipé, ils ont traversé en 33 jours, à deux, sans pilote ! Dans le gros temps, ils faisaient des quarts de six, voire douze heures à la barre... du moments qu'ils étaient trempés, autant rester dehors sous la pluie et les embruns et ne pas se changer toutes les deux heures. Quand on s'étonne, ils répondent avec un grand sourire : " mais si on a plus de confort à notre âge, qu'est-ce qu'on appréciera plus tard ?"

Le propre de toutes ces rencontres, c'est que l'on se sépare très vite, parfois sans même connaître nos noms. Il reste un souvenir de moments privilégies, de gens intéressants et le regret de ne pas avoir eu le temps de les découvrir mieux. Quand on a la chance de faire un bout de route ensemble, on se transmet nos adresses mails et , quand les routes se séparent, on garde le contact en espérant qu'elles se recroisent un jour... puisque la mer est ronde !

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